Frederic Studzinski

Les sapins noirs nous procuraient, chaque fois que nous prenions le temps de les contempler, une sensation malsaine, comme s’ils nous observaient et complotaient à notre égard un sinistre dessein. Le contraste entre le ciel blanchâtre et leur cime noire conférait à l’amas sylvain une aura de malignité troublante. Leurs épines, longues et acérées comme des crayons effilés, commençaient à tomber précocement, et quelques-unes se fichaient dans le sol à la verticale, tels les pics défensifs d’une citadelle imprenable. Malgré le malaise ressenti en leur présence, la pause permit de soulager notre dos et d’échanger quelques mots qui dissipèrent vite ce désagréable silence et la troublante sensation d’être épiés. Avant de repartir, nous échangeâmes brièvement nos gourdes dans une étrange mélopée métallique.