Voilà une anthologie de soixante épitaphes en vers traduites du latin. Sous les poèmes, des vies minuscules, des adieux entre désarroi et acceptation, des hésitations philosophiques, des personnes que la mort a transformé en archétypes (l’excellente épouse, la fille chérie, l’enfant mort prématurément, l’esclave de vie et de morts modestes, l’assassiné hurlant à la vengeance d’outre-tombe, l’ami ou l’amant inconsolable), des curiosités stylistiques vouées à intriguer le lecteur de passage et à le forcer au respect méditatif.
Que le mort sorte de son mutisme pour une dernière salve poétique, interpelant le voyageur qui passe ou ceux qu’il a aimés, ou qu’il soit l’objet d’un éloge ; qu’il invite à la lamentation ou à la jouissance du temps présent, au respect des Mânes ou à celui de sa dernière demeure ; qu’il réclame la vengeance ou souhaite le meilleur à son prochain… cette « anthologie de fantômes » (ainsi que la nomme justement et joliment Alberto Manguel dans sa postface) rassemblée par Ana Rodriguez de la Robla trace une conversation à travers siècles, offrant à ces vies brèves, si éloignées qu’elles en semblent imaginaires, si condensées que leur squelette, quoique réduit à l’essentiel, nous semble familier, une forme d’immortalité.
Saluons, pour finir, la belle traduction de Denis Montebello, qui rend grâce à la poésie ramassée de ces épitaphes et m’a ravie par ses trouvailles stylistiques (sans doute d’autant plus que je m’amuse régulièrement à faire traduire certaines de ces inscriptions à mes élèves).
Une curiosa à ranger près de l’anthologie de Spoon River d’Edgar Lee Masters.
Une lecture complémentaire par ici : http://www.delitteris.com/notules/beau-comme-l-antique/
Lien :
http://www.delitteris.com/no..