Gabriel Bonnot de Mably

Gabriel Bonnot de Mably, frère de Condillac et précurseur du socialisme utopique m'était totalement inconnu il y a peu. Je crois pouvoir ajouter que si le mal est réparé me concernant, ce philosophe peu illustre l'était à la fois pour nombre de lecteurs francophones, la faute peut être, aux hasards de ce que l'histoire de la pensée aura choisi de filtrer. Quoi qu'il en soit les Presses universitaires du Mirail proposent ici de remettre à l'honneur un philosophe sous-représenté, à travers notamment un important travail introductif d'Eliane Martin-Hagg. Plus qu'un riche appareil éditorial et critique, l'introduction complète la pensée de l'auteur et la remet dans le contexte des débats historiques et philosophiques.

Ce qui saisit tout d'abord le lecteur, c'est la puissante ironie, voltairienne oserais-je dire, de l'auteur qui remet en cause les bienfaits du libéralisme et le prisme utilitariste d'évaluation du bien-être collectif : "Je crois assez vraisemblable qu'on ne doit la première idée des propriétés foncières, qu'à la paresse de quelques frelons qui voulaient vivre aux dépens des autres sans peine, et à qui on n'avait pas l'art de faire aimer le travail". La critique du libéralisme politique au sens classique tel qu'il est porté à la fois par les Lumières et par la pensée économique de son siècle repose ainsi avant tout sur une remise en cause radicale de la recherche leibnizienne d'un meilleur des mondes possibles, où le possible excuse et justifie tout à la fois l'injustice inégalement répartie. Il m'est difficile d'estimer l'apport réel de l'auteur aux débats d'idées de l'époque et il me semble que si sa critique est parfois radicale et souvent justifiée, elle est parfois un peu datée et que certaines de ses polémiques, si elles restent d'actualité, ont pris un visage nouveau enrichies par la constitution et le rejet des utopies politiques des siècles suivants. Quoi qu'il en soit si la lecture de ces dix lettres est aisée, il ne fait aucun doute qu'une relecture sera nécessaire pour en saisir la portée.

Pour commencer, une présentation rapide de l'auteur dont les théories sont ici analysées.

Gabriel Bonnot de Mably est un philosophe économiste et historien Français (1709-1785).

Contemporain de rousseau, Voltaire, Diderot, Montesquieu et autres « personnages » du siècle des Lumières.

« Doutes proposés aux philosophes économistes sur l'ordre naturel et essentiel des sociétés politiques » est une réponse à « L'Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques », publié un an plus tôt par Mercier de La Rivière (physiocrate Français).

Qu'est-ce que la physiocratie me direz-vous ?

La physiocratie est une doctrine économique et politique du XVIIIe siècle, née en France. Elle est basée sur le développement économique. Et prône la liberté du commerce et de l'industrie. (Bon ok je fanfaronne, mais je n'avais jamais entendu ce mot avant).



Les théories sont analysées et présentées par Eliane Martin-Haag. Elle nous explique (et rappelle pour ceux qui le connaissent ) qu'en son temps, Mably était considéré comme un auteur plus influent et important que Jean-Jacques Rousseau. D'ailleurs, Mably présente un système de pensée proche de de celui-ci.



Elle nous remet dans le contexte de l'époque, dans lequel naissent les notions de « social », de « République », de « propriété individuelle », de « manufacture » et même de théories socialistes voire communistes. Tout en faisant un parallèle avec la situation de la Chine et la révolution du nouveau monde (États-Unis), vu par Mably et son époque.



Au travers des théories de Mably, on voit apparaître des notions économiques que l'on connaît bien aujourd'hui comme le libéralisme économique. On peut aisément faire un parallèle entre cet ouvrage « Doutes proposés aux philosophes économistes sur l'ordre naturel et essentiel des sociétés politiques » et notre actualité politique, sociale et économique.

Mably rejette les théories avancées par les physiocrates. Il dénonce donc le développement de la propriété privée et de la manufacture qu'il considère comme étant des causes de désordre et d'injustice.

Il dénonce la concentration croissante des fortunes, ainsi que, l'appropriation des moyens de travail par une classe sociale capitaliste au détriment des salariés. Il reconnaît cependant l'irréversibilité de la notion de propriété privée.



En me lançant dans cette lecture, je me suis revue sur les bancs de la fac, en cours d'économie. Je me suis demandé « mais pourquoi te lances-tu là-dedans ? J'avoue que j'ai eu du mal à démarrer car les premières pages m'ont parues difficiles. Finalement en se remémorant quelques cours d’histoire et d’économie, on se retrouve vite « dans le bain ».

J'ai trouvé l'introduction d’Éliane Martin-Haag très longue et j'avais hâte d'arriver à l'analyse du texte original de Mably. (Je reconnais que je n'avais jamais entendu parler de lui avant d'avoir ce livre en mains). Cependant, cette introduction nous remet bien dans le contexte dans lequel Mably à élaboré ses théories et préconisations. On comprend qu'il répond à une époque mouvementée, à une société en pleine mutation.

L'analyse n'est pas faite de façon chronologique, mais en suivant les principes de base abordés par Mably dans la dernière « Lettre » critique qu'il à adressé en réponse aux théories de Le Mercier.

J'ai parfois eu du mal à suivre, lorsque dans le texte original, des comparaisons et parallèles sont faits. On perd le fil de la pensée exprimée et je trouve cela dommage. Cet ouvrage à eu au moins le mérite de me faire découvrir un philosophe que l'on à peut-être oublié (en tout cas je ne me rappelle pas l'avoir vu cité dans mes cours d'économie ou de philo). Je me suis replongée dans l'époque des Lumières, période que j'avais adoré étudier au travers la littérature au lycée.

Pour conclure, si vous souhaitez découvrir ou redécouvrir les théories de Gabriel Bonnot de Mably lisez cet ouvrage. Pour ma part, je vais essayer de faire connaître ce personnage de notre histoire à mon entourage. Car il serait dommage qu'un personnage avec des théories aussi proche de notre actualité tombe dans l'oubli. D'ailleurs, si vous êtes curieux, cherchez sur le net. Vous verrez, il y a peu d'infos sur lui.