Georges Murcie

-Le présent d'un être n'existe pas vraiment, expliqua-t-il. Chaque infime fraction de seconde qui passe est comparable à..., à un grignotement du futur qui transforme automatiquement le "je serai" en "j'ai été"... Nous ne "sommes" jamais...En poussant à l'extrême la division du temps, cette infime fraction de seconde qui représente le présent, c'est à dire le passage du futur au passé, est égale à zéro. A l'inverse des choses inanimées, les êtres vivants ne possèdent aucune stabilité temporelle...
-Si nous allons par-là, fit observer Maurice Valour, le futur n'existe pas d'avantage, dans ce sens qu'il n'existe vraiment qu'au moment où il se réalise...
-C'est exact, approuva Montoya. Le futur ne devient réel qu'à l'instant où il devient présent, et nous venons de voir que le présent n'était pas un état stable pour un être vivant... Le présent est en somme le passé du futur, mais n'a aucune durée réelle propre !... C'est dire que la division du temps en ces périodes auxquelles nous sommes habitués est conception humaine purement abstraite et arbitraire... Et tout se complique encore quand on pense que notre passé est finalement le produit abstrait de notre mémoire et notre avenir celui de notre imagination. Deux projections abstraites, spirituelles, faites dans deux directions opposées ! Nous ne sommes que des instants fugitifs. Un mouvement ininterrompu...