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Critiques de Georges Pragier (1)
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Le traumatisme psychique : Organisation et ..

C’est du lourd. Pas envie de rire après m’être tapée ces essais colmatés de part et d’autre, à la confluence de psychanalystes endurcis par l’occultisme. On se dit : moins de 150 pages, c’est torché en 4 heures maximum. Mais c’est que le temps de parole, chez les psychanalystes, ne se mesure pas à l’aune de nos horloges bien remontées.





Heureusement, la thématique est réjouissante : le traumatisme. Voilà qui nous concerne tous, chers amis. N’allez pas croire que nous resterons dans le vague et l’approximatif, nous ne sommes pas ici aux éditions P.U.F. (ah ben si en fait, comme quoi...) Pour orienter le déblatérage, voici la question qui fait bander : le traumatisme, c’est de l’organisation ou de la désorganisation ? Certains diront que ça organise, d’autres que ça désorganise.





Comme il est toujours utile de se mettre d’accord sur quelques axiomes avant de mener un débat qui semble aller quelque part, on revient sur les définitions du traumatisme selon papa Freud. Définitions au pluriel car Freud, cette bonne vieille girouette affolée par l’ampleur du terrain à défricher, aimait créer de nouveaux concepts tous les quart d’heures pour les détruire ou les modifier le quart d’heure suivant. Finalement, nous retiendrons la définition économique du traumatisme, considéré comme déluge soudain d’excitations externes ou internes en quantité telle que le pare-excitation ne permet pas de faire barrage (important ici de rappeler que le pare-excitation a une résistance variable en fonction de l’individu et de la position du soleil dans le ciel). Petite conception originale : le pare-excitations a failli par manque de préparations à l’événement traumatique, ce qui aurait dû être préparé normalement par l’angoisse. Donc, si l’événement traumatique génère ensuite beaucoup d’angoisse, c’est en genre d’affolement du système psychique qui se met au boulot pour ne plus se laisser prendre au dépourvu, lorsque le vent sera revenu.





Le traumatisme peut aussi être progressif et se constituer par série d’après-coups, moins bons que le coup d’un soir mais pas forcément négligeables lorsqu’il s’agit de s’empaqueter un baluchon identitaire sur l’épaule. Le traumatisme par succession d’après-coups a l’avantage d’être moins brutal et de permettre à l’individu de se concocter un Moi coriace. Le complexe de castration est un bon exemple de ce genre de traumatisme progressif ayant une visée organisatrice. Il se forge lorsque le mioche comprend qu’il n’est pas le centre du monde et que sa mère a autre chose à foutre que de lui torcher le cul toute la journée. Le bébé est tristou, faut bien qu’il s’y fasse. Winnicott parlait de « mère suffisamment bonne », il rejoignait bien cette idée que le traumatisme, pour être bon, doit être progressif : mieux vaut ne pas faire comprendre tout de suite où on veut en venir. Finalement, le complexe de castration part de petites blessures qui font de la peine mais se constitue comme rempart contre des risques traumatiques plus graves. En revanche, si l’épreuve traumatique est trop précoce ou trop violente, elle empêche la constitution des fantasmes originaires et n’offre pas de butée représentative aux excitations. Dans l’autre sens, si l’éprouvé traumatique est trop tardif, l’individu peut connaître une désorganisation de ses fantasmes originaires, ce qui se traduira par la perte de leur portée structurante. Ces conceptions nous permettent donc de réfléchir à la psychose (le cas précoce), à la névrose (le cas idéal) et aux états-limites (le cas tardif) –même si la question est bien plus compliquée, vous imaginez bien, on ne boucle pas un sujet d’une si vaste envergure en une comparaison folâtre.





Enfin, tout ça se conclut sur le traumatisme qui ne fait pas rire dans les chaumières –je veux parler du traumatisme génocidaire et ensuite, de ses conséquences sur les descendants de survivants. C’est salaud à dire mais, le malheur des uns faisant le bonheur des autres, c’était très intéressant. Le descendant galère à survivre, presque autant que le traumatisé direct, non pas par atavisme pur mais parce qu’il souffre d’un double bind qui lui impose à la fois de se libérer de ses aïeux pour devenir un individu tout en maintenant vive la mémoire de leur souffrance –qu’ils doivent en plus transmettre dans une langue et dans une culture qui est souvent celle de l’oppresseur. A cette aporie, les psychanalystes ont cru bon de proposer une solution qu’on se tartine dans le dos pour se tenir chaud : métissage culturel, qu’ils appellent ça. Gageons que les premiers descendants chauds émoulus de ces traumatisés de masse auraient accueilli la solution les bras ouverts, aux époques bien connues du siècle dernier. Et pour les traumatismes massifs de notre temps, les choses n’ont pas bougées d’un iota, mais un brin d’espoir ne fait jamais de mal par là où il passe.

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