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Citation de Santarini


SCIENCE
Saint Antoine et les clés de voiture
Monsieur Jourdain était tout étonné d’apprendre qu’il faisait de la prose à tout moment sans le savoir. Il pensait sans doute que cet art était réservé à des prosateurs spécialistes. Je ne serais pas étonné que nombreux soient ceux qui, aujourd’hui, éprouveraient le même étonnement si on leur disait qu’il « font de la science » à tout moment sans le savoir. C’est parce que l’idée est très répandue que la science est réservée à des scientifiques, ceux qui, par exemple, rassurent le profane sur l’efficacité d’un dentifrice en utilisant des expériences « scientifiques » ! En réalité, tout le monde, heureusement, pratique régulièrement la démarche scientifique, même s’il existe des spécialistes de la science, comme il existe des spécialistes de la prose. Prenons un exemple : vous avez égaré vos clés de voiture. Si, pour remédier à cette situation désagréable, vous demandez l’aide de saint Antoine, vous utilisez une démarche religieuse. Vous pouvez aussi formuler l’hypothèse que vous avez peut-être laissé ces clés dans le réfrigérateur en allant vous servir un verre d’eau fraiche. Vous ouvrez le réfrigérateur pour vérifier cette hypothèse. Si cette expérience ne confirme pas l’hypothèse, vous pouvez en formuler une autre, par exemple que vous avez laissé ces clés sur la table de nuit. Il faut alors effectuer une autre expérience de vérification, et ainsi de suite jusqu’à ce que le problème soit résolu (ou pas…). Cette deuxième démarche est la démarche scientifique et rien d’autre. La science est observation et réflexion, expérimentation quand c’est possible, c’est tout.
Tout ce qui, dans le monde physique, peut, en principe, être vérifié (confirmé ou réfuté) est du domaine scientifique, même si l'on ne dispose pas encore des moyens théoriques ou matériels pour la mise en œuvre de cette vérification. C'est en tout cas en ce sens que je prends les mots science et scientifique dans cet ouvrage. C’est pourquoi, les séparations habituelles entre sciences dites « dures » et sciences humaines et sociales, entre science et littérature, entre science et histoire, entre science et art, etc. me paraissent en fin de compte, illusoires et trompeuses. Bien sûr, il existe des spécialistes littéraires, historiens ou artistes, mais heureusement que ces spécialistes sont aussi scientifiques dès qu’ils ont à résoudre un problème qui relève du monde physique !
Science et croyance
La science est une méthode, pas une religion ni une idéologie. Chaque fois qu’on pratique raisonnablement le cycle observation-réflexion ou observation-réflexion-expérimentation on a l’esprit et la démarche scientifiques. Renoncer, par paresse, à appliquer cette méthode et la réserver aux scientifiques « professionnels » conduit à bien des absurdités et à bien des drames.
Les croyants ont souvent tendance à considérer la science comme une croyance : ils assimilent ceux qui pratiquent la méthode scientifique à des sortes de croyants, comme il en existe bien d’autres, professant une foi différente de la leur. C’est qu’ils n’ont rien compris ni à l’esprit ni à la démarche scientifique, qui est universelle. Une théorie scientifique n'est rien d'autre qu'une sorte de résumé harmonieux de ce qu'on sait sur un sujet à un instant donné. Elle n'est ni incontestable, ni définitive. La notion de croyance y est totalement absente. Si l’on retient cette théorie c'est simplement parce qu’elle est ce qu'on a trouvé de mieux à un moment donné. Si plus tard on trouve encore mieux, on abandonne sans aucun scrupule ni regret l'ancienne théorie.
Science et contemplation
La science n’est pas, en soi, contemplation, mais, comme elle nécessite une attention soutenue, un long travail de décantation, elle peut conduire à la contemplation, à l’émerveillement, à une ouverture sur la dimension spirituelle de l’Univers. La découverte de ce qu’on a coutume d’appeler (sans doute improprement) les « lois de la nature » peut amener à une prise de conscience d’une réalité au-delà de la réalité objective, comme la réflexion sur la souffrance peut conduire à la compassion.
La pratique de la science débouche sur un grand mystère : le caractère harmonieux des modèles qui décrivent l’Univers. Dans leur quête pour appréhender de mieux en mieux la complexité apparente du réel, les scientifiques découvrent, presque systématiquement, qu’au fur et à mesure que leur construction se perfectionne, elle devient de plus en plus harmonieuse. C’est tellement vrai que la recherche de l’harmonie finit par devenir un guide pour la compréhension du réel : on se rend compte souvent que les théories, les équations ont plus de chance d’être appropriées pour décrire le réel quand elles sont « belles ». Nombreux sont les scientifiques qui, sans toujours l'avouer, sont fascinés par cette découverte de l'harmonie. Je pense que ce type de contemplation intervient dans une large mesure pour entretenir chez eux la flamme de la recherche.
La science n’est rien d’autre qu’une méthode pour s’approcher de plus en plus de la réalité objective, celle qui peut aisément être partagée avec tout le monde. Elle n’est pas armée pour décrire la réalité subjective, celle de la conscience et de l’esprit. L’exploration de cet autre monde est plutôt du domaine des spiritualités et l’outil privilégié celui de la méditation. Pourtant, la pratique de la science peut conduire, par la contemplation sur laquelle elle débouche, au seuil de cet autre réalité (mais est-elle vraiment autre ?).
La science ne permet pas de trouver ce qu’est l’Univers ; elle permet seulement (et c’est déjà énorme…) de trouver ce qu’on peut dire de pertinent sur l’Univers. Trouver ce qu’est vraiment l’Univers relève peut-être plus de la méditation (la mal nommée) que de la réflexion, car cette hypothétique réalité ultime n'est sans doute pas étrangère à notre conscience et à celle de Dieu, s'il existe.
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