Gilles Rannou

Plus jeune mon fils disait « prendu » au lieu de « pris ». Il lui était logique*,** que « prendre » se conjugue de la sorte suivant ainsi le modèle de « rendre ». Certes, c'est aussi à cette époque que, lorsque nous lui disions « va chercher ta soeur », il partait la chercher en l'appelant « ta soeur » au lieu de « ma soeur ». C'était assez rigolo de l'entendre dire « ta soeur ». Désormais, cette soeur fait l'apprentissage à l'école de la conjugaison, de ses modes, temps, subtilités et irrégularités comme « pris » au lieu de « prendu ». Lorsque ma fille, sa soeur donc, a vu ce Très précis de grammaire consacré à l'argent, elle a pensé à l'offrir à sa professeur de français. Celle-ci ayant modérément apprécié l'expression « c'est parti mon kiki » dans une dissertation qu'elle avait jugé trop familière, ni l'histoire d'un hippotame violet appelé Jean-François dans une autre dissertation qu'elle avait jugé un peu trop originale, il n'est pas certain qu'elle apprécierait ce Très précis de conjugaison consacré à l'argent.



Néanmoins, et même si je ne suis pas « pété de blé » , j'ai « aboulez la thune » « en liquide » au libraire pour faire mien ce petit opuscule dont le prix n'est somme toute pas « bien trop cher ». Au pire, j'aurai une « fin de mois difficile » et mon compte dont le « découvert autorisé » sera largement dépassé indiquera « moins 2832 euros??!! ».



Dans le paragraphe précédent, entre guillemets, je reprends sans les conjuguer les locutions-sources d'origine dont les deux auteurs proposent l'infinitif déduit et la conjugaison possible. Par exemple, la locution-source « Sales riches! » donne « Saler riches! » comme infinitif déduit et « Que tu salasses riches! » comme conjugaison possible (ici à l'imparfait du subjonctif).



Les auteurs rappellent les conventions de la conjugaison ordinaire portant sur la locution-source, la troisième personne du singulier et les formes non attestés. Pour chaque verbe, les auteurs font des remarques comme on les trouve dans un Bescherelle ou un Bled. Ainsi, il est précisé que si on n'avait pas « tiré de l'argent », on aurait tiré du cadmium, du hafnium, … du plomb ou du Zinc*** ; qu'il aurait été possible de conjuguer « Péter d'artiche, de boules, de maille, d'oseille,… » mais pas « Péter de boulgour de semoule, de pain, … » ; ou les auteurs signale dans la conjugaison du verbe « montre de la dette » le livre La fabrique de l'homme endetté : Essai sur la condition néolibérale de Maurizio Lazzarato.



Un petit très précis de livre qui associe conjugaison et argent de façon très ludique et dont la lecture m'a été enrichissante.



* En fait, rendre est un verbe en -dre tandis que prendre (comme apprendre, suspendre, …) est un verbe en -prendre, ce qui explique que leurs conjugaisons sont différentes.

** Dans Culturama, Jean-Baptiste Michel & Erez Aiden se pose la question suivante : « Parmi toutes ces questions, une en particulier a retenu notre attention : « Pourquoi dit-on prenais et pas prendrais? » ».

*** À ce sujet, l'excellent livre de David van Reybrouck Zinc traite de l'État contesté de Moresnet, dit Moresnet neutre dans lequel la découverte d'une mine de zinc sera un enjeu fort entre la Prusse, les Pays-Bas, la Belgique et l'Allemagne.