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Critiques de Gilles Verdet (14)
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L’arrangement

Avant même de lire une ligne du roman de Gilles Verdet la citation placée en exergue prévient : "Il n'y a rien qui puisse davantage rendre un homme et une femme égaux que le fait d'être derrière un Beretta." (Amandine Carini). C'est dit.



Deux copines dans le RER puis dans le bus, l'une pleure c'est Amandine, l'autre, anonyme, est enragée contre un mec, « On va le crever » qu'elle répète sans cesse, c'est elle qui raconte « L'arrangement ». Elles roulent vers une banlieue banale, comme celle des « Portes de la nuit » de Marc Villard et Cyrille Derouineau, froide et grise de haut en bas et dans ses grandes largeurs.

Amandine a laissé filer un pack de bières à un gars en gilet jaune à sa caisse. La sanction, secrète et sale, masculine et misogyne, tombe en même temps que se ferme la porte du bureau du petit chef de supermarché.

Amandine est toute jeune, 25 ans peut-être, caissière avec un bon début de grossesse. Sa copine est poissonnière dans le même supermarché, elle est plus âgée, plus aguerrie aussi. Et ça le petit chef ne l'avait pas prévu, trop sûr de lui et de son bon droit de cuissage.

On pourrait résumer « L'arrangement » à une histoire de vengeance sur fond de lutte des classes. C'est plus que ça, bien plus.

L'équipée vers la côte ouest vire au malaise pour tous les mecs qu'elles croisent et qui se comportent comme des ordures, les peloteurs, les aguicheurs, les siffleurs et toucheurs, de ceux qui ont le cerveau entre les jambes et pas l'habitude que ce soit les femmes qui portent le flingue.



Les phrases sont souvent hachées, comme jetées sur un rythme hip-hop avec en sourdine la colère des ronds-points. Le vocabulaire est choisi, pesé, plus franc que cru, efficace et redoutable. C'est un récit qui tord les tripes parce qu'Amandine on en connaît tous une autour de nous. Voici un livre sur toutes les brutalités, les violences que les hommes font subir aux femmes : familiales, professionnelles, quotidiennes, institutionnelles, etc. Je cite Nicolas Mathieu dans un podcast récemment paru en papier : « La littérature est une manière de rendre les coups. » Dans ce roman, des femmes rendent les coups, et elles ont raison.



Après les falaises normandes Gilles Verdet envoient ses héroïnes dans un Marseille émeutier, barricadé et enflammé en jaune avant de remonter dans la banlieue. C'est dans cette grisaille que ça se termine, mais il faudra aller au bout de ces cent quarante pages pour savoir comment.

Prévoyez deux heures devant vous à un moment où vous êtes bien en forme parce que l'histoire file précipitamment, sans pause pour souffler et avec une bonne paire de baffes en prime.

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Nom de noms

Manichéen, entre rires et grincements de dents, pétillant ou acide, « Nom de noms » est avant tout jubilatoire et de haute voltige. Ce roman est hors norme de par sa construction. Des poupées gigognes qui s'emboîtent d'une histoire à l'autre, des nouvelles qui se touchent du bout des doigts. La subtilité éveille et attise notre curiosité et le frénétique désir de suivre le fil rouge de Gilles Verdet. Rien, le premier des protagonistes est la majuscule de ce récit. Un anti-héros digne de celui de Bove dans « mes amis ». Rien est donc l'emblème du néant, de cette transparence aux abois. Doutes et fragilités, échecs en puissance.

« Celui, c'était sûr qui, depuis ma naissance m'entraînait vers le vide absolu. »

Rien veut changer d'identité. Juste une lettre dans son nom, mais laquelle?

Ce sera donc la première lettre, et voilà notre homme qui pense se métamorphoser. Certes, mais les déboires vont s'avérer nombreux, et les chaises bien rangées dans sa vie vont basculer frénétiquement.

« Là où la malédiction séculaire des noms à coucher dehors se confond avec la faveur des bien nés à pieuter au chaud. Où les appelés, les appelants, les innommables et les sans noms cohabiteront toujours le dos chargé du fardeau de leurs ancêtres. Et de tous les ascendants insoucieux de l'atavisme nominatif. Pas moi. Moi j'étais autre. »

Bien, vous avez dit « Bien ». Cette nouvelle est une satire. Sombre et caustique, l'humour grince, l'apothéose d'une écriture surdouée qui décroche les étoiles. Nous sommes dans le summum de la lucidité littéraire, le pragmatisme et le piédestal grammatical. Les fragments sont une contemporanéité absolue, révélée, et les acteurs en avant, pions sur un jeu de dames. Gilles Verdet est malicieux, appliqué, il est au coeur des lignes à chaque instant, prise à partie dans une trame dont on croirait une pièce de théâtre à ciel ouvert. « Nom de noms » est de plusieurs degrés de lecture. Entre les morceaux d'architecture, il y a cette intuition dévorante. La capacité à exaucer nos actes manqués d'avant. Cette volonté de briser les carcans. Les jeux de mots sont des lanceurs d'alerte, dans un style phénoménal qui remet d'équerre l'ubuesque. « Nom de noms » est le parchemin des troubles de l'humain.

« Et les mystères des autres, des évidences à vivre, quoi qu'il arrive. Les siens tombaient là un à un, faciles, comme un arbre qu'on aurait trop secoué. »

Tour s'exauce dans la force intrinsèque de ce texte implacable. L'humour est le garde-fou et la finesse qui excelle est magnifique.

« Il avait le tourment lyrique et la tristesse littéraire. »

Ce kaléidoscope : « de la science des noms propres et de leur déterminisme » est une bouffée d'oxygène. Un sujet qui nous touche tous, un jour certain.

« Que, tout est écrit pour nous dès la naissance. »

Cette fable rugueuse parfois riante fait la part belle néanmoins à Diogène, aux Cyniques. Saut dans la flaque d'un conformisme, le conventionnel poussé du pied. Libre, vous avez libre… Gilles Verdet est digne d'un génie évident. « Nom de noms » est un plaisir de lecture. En ces temps floutés par La Covid il est une couverture remontée jusqu'au cou. L'antidote, du baume au coeur. Publié par les majeures Éditions L'Arbre Vengeur.









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Fausses routes

« Au commencement était le verbe. Suffit après d’un petit coup de pouce pour l’envoyer ailleurs. » Soit : voilà les « fausses routes » qui donnent leur titre à ce recueil de cinq longues nouvelles. Un amoureux obtient enfin un rendez-vous mais se trompe de sonnette. Dans une chorale d’amateurs, un membre ne parvient pas à distinguer un do dièse d’un ré. Juste un grain de sable dans la mécanique bien huilée de la vie. Et toute dérape. Insensiblement, mais inexorablement. Comme un adverbe fait déraper la phrase. Ne surtout pas raconter les histoires. Le plaisir du lecteur est de s’y laisser glisser comme sur un toboggan. Sans pouvoir s’arrêter. « Il y a des moments de la vie, des pas ou des faux pas inutiles qu’on aimerait gommer. » Trop tard, on est embarqué.

Mais ce coup de pouce au destin, qui va le donner ? Qui va jouer au démiurge, au grand architecte qui gouverne le monde, au grand horloger qui s’amuse à le dérégler ? Le plus insignifiant des personnages, celui qu’on ne voit pas, précisément, parce qu’il ne sert qu’à mettre les autres en valeur : un figurant. Et si Dieu, justement, n’était pas l’auteur ni le grand premier rôle de la pièce ? S’il n’était qu’un figurant, qui peut tout se permettre parce qu’on ne le regarde pas. Et si c’était cela, le secret de son invisibilité ? Ou plus précisément, comme lui signifie le médecin en examinant ses radios, de sa... transparence ? Méfiez-vous ! Il est peut-être caché où vous ne l’attendez pas. À la table d’un café, ou sous un camion...

Alors, juste un conseil : prenez garde aux détails. D’une nouvelle à l’autre, ils tissent une trame invisible. Une expression, un bouquet de roses, un poster de Magritte, la proximité du palais... Prenez garde aux thématiques récurrentes. Le spectacle, par exemple, qui revient dans toutes les nouvelles, mais de façon discrète. D’innombrables balises constituent plus un jeu de piste qu’un décor. C’est par le détail qu’on entre dans le récit. On parle de « tournage » avant de savoir que le protagoniste est comédien. Un paillasson planté de poils pointus comme les clous d’une planche à fakir annonce discrètement la mue d’un personnage. Ce sont les détails, aussi, qui vont coudre ensemble les différentes nouvelles, jusqu’à ce que les personnages et les situations s’emboitent les uns dans les autres.

Le recueil est construit comme une sonate. La première nouvelle en donnerait le thème, la deuxième le contre-thème. La troisième introduit des variations dans lesquelles les deux thèmes se mêlent étroitement. On pense avoir compris le principe, on se demande comment les trois dernières vont pouvoir innover. Et l’on est pris dans le tourbillon des modulations jusqu’à la dernière, un strette éblouissant qui reprend en quelques pages les petits détails, les mots clés, les thématiques récurrentes, avant de nous entraîner dans une folle histoire de substitution, de complot, de travestissement... Et de s’achever sur ce qui pourrait être une clé de lecture pour l’ensemble : un camion qui transporte du sable pour Paris-Plage. « Il livrait au plus vite pour reconstituer le faux littoral. » Un détail ? Ou la porte ouverte sur les coulisses d’un théâtre où l’on nous a monté un gigantesque canular ? Dans chaque récit, un grain de sable a suffi pour gripper la machine. Imaginez ce qu’un Dieu figurant ferait de milliards de grains de sable... ou même davantage ?

Cette construction aussi ingénieuse que rigoureuse est un premier plaisir de lecture. Mais c’est surtout la langue très particulière de Gilles Verdet qui séduira le lecteur. Par son inventivité, d’abord, qui joue avec humour de tous les niveaux de langue. Ici, on calanche ad vitam et on écoute de la zizique symphonique. Mais à côté du vocabulaire gentiment argotique (« j’ai mis les bouts fissa »), on trouve un jeu savant sur les allusions littéraires : « Choisir c’est mourir un petit peu » ; « Si les roses, même les jaunes, vivent paraît-il l’espace d’un instant, la vie à cet instant s’allongeait ici le temps d’un espace »... Les images éculées sont revitalisées avec humour (pour décrire des yeux : « J’y ai vu que du feu. Et du bleu. Du bleu clair ») et les images originales foisonnent (« Le regard attristé qu’elles portaient comme un maquillage de tous les jours »). Un léger décalage est introduit par des remarques métalinguistiques sur les adverbes, la sonorité d’un prénom, l’origine hispanique d’un tic linguistique... Comme si la langue était elle-même en représentation, miroir de ces nouvelles en trompe-l’œil. Les frontières entre la langue et les situations est d’ailleurs poreuse. Une réflexion d’une interlocutrice (« Vous voulez boire quelque chose avant ? ») entraîne par exemple une réflexion sur le caractère du personnage (« Un petit adverbe banal et vulgaire qui ouvrait une brèche existentielle dans l’espace temps... ») Parfois, ce sont les mots qui piègent les personnages, et celui qui tire les ficelles n’a qu’à tendre l’oreille : « Suffit d’une phrase, d’être à l’écoute au bon moment. Et de tirer le fil. Et toute la trame se défait. Ici, c’étaient les adverbes les mots importants. » Anodin ? Rappelez-vous : au commencement était le verbe. Mais à se focaliser sur lui, on ne fait pas assez attention aux adverbes. Précisément.


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Voici le temps des assassins

Une vieille tradition veut qu’un lectorat non coutumier du fait s’adonne à la consommation immodérée de polars durant la période estivale. Je pensais ne pas en faire partie et me voici pourtant en contradiction avec mon absence habituelle d’empathie pour les flics et les délinquants, puisque j’ai dans mon escarcelle du James Ellroy et du Gilles Verdet.



Oui, vous avez raison, personne ne sait qui est James Ellroy et qui plus outre, on s’en fiche un peu.



Gilles Verdet, donc, est un romancier et un nouvelliste de talent. Je le dis en toute objectivité, puisqu’il a obtenu le Prix Prométhée de la Nouvelle.



C’est un parisien amoureux de sa Paname ; un chat parigot et dandy en équilibre sur les toits de Paris ; un arpenteur infatigable qui emprunte aux félins leur goût pour la chasse à plume, croquant ainsi des tableaux d’atmosphère et des portraits de chair avec une langue gourmande et pas toujours châtiée.



Gilles Verdet a l’œil américain, la culture d’un gentilhomme et le rythme d’un fixé au jazz. J’ajoute que le travail artisanal du style, l’humour et la justesse des dialogues participent dans une heureuse homéostasie à son credo.



Dans son dernier roman policier, « Voici le temps des assassins », la poésie s’impose et Verlaine et Rimbaud frappent avec leurs rimes, de concert avec la Mort qui, elle, frappe avec un sens singulier de la discrimination, car les cœurs cessent de battre dans le corps d’anarchistes qui semblent avoir tous un lien, mais lequel ?



Braquage, meurtres, trahison, semaine sanglante et quais de la Seine tourbillonnent dans une sarabande où le héros de l’histoire, Paul, réchappe, survit, enquête, aime, boit, réfléchit et photographie pour le plus grand bonheur du lecteur.



Capuchon sur le Montblanc, le personnage de Paul est un sensoriel particulièrement auditif et mélomane qui sait aimer et désirer les femmes sans aucun cliché sexiste.



Gilles Verdet nous offre un roman noir et engagé qu’un de la Manchette appréciera en connaisseur.
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L’arrangement

Ce qui est réjouissant avec ce livre, c’est que c’est l’anti-réseaux sociaux par excellence, et la négation de tout ce que l’on essaye de nous faire avaler depuis des années. Ces quatre femmes n’ont aucune raison réelle de se rencontrer. Elles n’ont, en fait, rien en commun. De ce que l’on nous dit, Amandine semble fragile, timide, résignée. À l’inverse, la narratrice parait décidée, forte, et si on devine qu’une partie de sa force vient des difficultés rencontrées et traversées, ce qu’elle en a retenu l’a armé – et pas uniquement d’un Beretta. Rose, elle, nous est présentée comme une sorte de pasionaria des luttes, elle s’oppose dans la joie et la légèreté, comme si l’adrénaline du combat lui tenait lieu de raison de vivre. Enfin, Yasmine, l’avocate issue des banlieues de Marseille transpire la bienveillance, elle fait de son travail un sacerdoce.



Quelle était la probabilité qu’elles se rencontrent ? Nulle ! Et pourtant, cela se produit, et elles se reconnaissent. Quel pied de nez à notre modernité qui nous isole de plus en plus de ceux qui ne nous ressemblent pas ! Sur Instagram, sur Meta, sur Tik-Tok, elles n’auraient pas fréquenté les mêmes communautés et ne se seraient jamais croisées. Aucun site de rencontre n’aurait parié qu’il put y avoir un « match ». Et pourtant, elles sentent au premier regard ce qui les rapproche.



Pourtant, il y a tout de même quelques « mais ». Normalement, un road-movie comme celui-ci, on le comprend bien, a toutes les chances de mal se terminer. Enfermez votre DRH dans le coffre de votre voiture, sous la menace d’une arme à feu, fichez le camp en Normandie le temps de vous mettre à dos toute une famille de trafiquants, et, honnêtement, vous avez de bonnes chances de ne pas reprendre exactement le cours de votre vie « normale ». Eh bien, ici… presque ! Quasiment un happy end à l’américaine, du moins lié à l’histoire qui est déroulée ! Je ne vais pas dire que Thelma et Louise avaient tout de même plus de panache – parce que, évidemment, on pense à elles – … mais, quand même, si l’on se souvient d’elles 30 ans plus tard…



J’ai également trouvé que le parti-pris, tenu du début à la fin, de quasi-systématiquement évacuer une partie de la négation dans les phrases (« Elle a rien raconté à son compagnon », ou « Je lui cache rien de ma vie », « elle semble pas effrayée, juste ébahie »…), si cela donne un rythme nerveux, tendu, cela finit aussi par être un peu répétitif. Trop.



Et puis… J’aurais aimé, j’aimerais lire cette histoire écrite par une femme. Parce que j’ai eu, à certains moments, l’impression que ces femmes auraient fonctionné différemment sous la plume d’une femme. En même temps, en l’écrivant, je me rends compte que ce n’est pas exactement ce que je veux exprimer, parce que je sais qu’exactement la même chose pourrait être dit de deux femmes écrivant la même histoire. Mais je ne peux m’empêcher de penser que cette histoire mériterait d’être écrite par une femme, je ne sais pas l’exprimer mieux…



Malgré ces quelques bémols, L’Arrangement reste un livre dont les héroïnes pourraient bien vous marquer. Pour longtemps. Alors, prêts à vous embarquer pour ce périple ? Il reste quelques places à l’arrière de la voiture. Et ce sera probablement la seule fois de votre vie où vous pourrez enfermer votre DRH dans votre coffre, ce n’est tout de même pas rien…
Lien : https://ogrimoire.com/2023/0..
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Les Ardomphes

Mais que voilà une jolie découverte ! Que l'éditeur ne m'en veuille pas de l'avoir laissé attendre sur une étagère, car une fois lancée, j'ai englouti le roman!



On n'en saura guère sur Richard, clochard parisien vivant de récupération d'objets laissés sur les trottoirs. Sa grande ennemie, la pluie. Il préfère sa tranquillité, moins dangereuse.



Un jour, dans un sac abandonné, voilà une magnifique écharpe et un cru de grande maison bordelaise; pas question de revendre l'écharpe, et voilà Richard prenant le soleil sur un banc. L'ensemble attire l’œil d'une photographe professionnelle, qui voir le parti à tirer de tel clichés décalés pour la publicité du cru en question.



Cette histoire est racontée régulièrement sur les ondes, avec la voix de Catherine, coachée par François. Histoire en cours d'écriture, et l'auteur demeurant anonyme. Catherine et François seront aussi photographiés à leur insu.



Je n'en dirai pas plus, voulant laisser aux autres lecteurs le plaisir de découvrir ce chouette roman. Parce qu'il est écrit dans une langue à la fois fluide et travaillée, imagée, parfois argotique. Parce que ces histoires en miroir réservant des surprises tissent habilement une intrigue qui, l'annonce la couverture, va virer au noir. Et pas mal se nouer autour de l'hôtel des Ardennes, près du canal Saint-Martin. Ardomphes, c'est ainsi que Rimbaud désignait les Ardennes.



Extrait (site de l'éditeur)



« Les Abribus, Richard les fréquentait souvent. Pour traquer le sac oublié ou la valise égarée. Les bus un peu moins. Même si la fange qui lui collait aux basques lui laissait toujours une place assise. C’était son avantage. Son privilège de pouilleux. Les culs-crottés de la rue, les pue-de-la-gueule et les « crassouilles » en goguette, ça refilait de la distance avec l’autre monde. L’autre pays. Celui des mieux nourris, des mieux chauffés et des mieux lavés. Des gens propres et coiffés qui regardaient toujours ailleurs. Mais avec des coups d’œil en biais, des manières polies et des allures rusées d’indifférence qui le toisaient en loucedé. Richard y prenait plus garde depuis longtemps, les deux humanités savaient d’instinct se préserver des contacts, éviter les frôlements et les touchers fortuits, par une distance sanitaire passive, un écart spontané aussi naturel qu’une mixité de territoire entre deux espèces animales éloignées. »
Lien : https://enlisantenvoyageant...
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Voici le temps des assassins

D'autres personnes étrangères au trio meurent de meurtres déguisés en accident ou en suicide. Agnès, internée, meurt brûlée, Georges sous les roues du métro, ... Tous les morts entendront avant de succomber, susurrés à leurs oreilles des vers de Rimbaud.



Voici un roman noir totalement original si ce n'est dans son intrigue au moins dans son scénario et surtout dans ses personnages. Le premier truc, c'est déjà de s'habituer à la narration très particulière de Gilles Verdet qui alterne le langage oral, l'argot, la poésie. J'ai mis un peu de temps, j'ai même tenté de sauter des paragraphes, mais test inutile car irréalisable tant cette écriture vous tient malgré la -très- relative difficulté du départ à s'y faire. C'est une putain de belle langue qui impose son rythme et qui oblige à lire tous les mots, je découvre un auteur amoureux des mots, à la plume envoûtante.



Si en tant que lecteur de polars j'ai déjà pu rencontrer semblable intrigue, j'avoue que sa mise en condition m'a bluffé. Rimbaud et Verlaine sont très présents, des vers d'iceux sont cités, ils font partie de l'explication finale. La Commune de Paris, cette révolte de 1871 est omniprésente également, et comme c'est une période sur laquelle j'ai lu et continue de lire (Le cri du Peuple de Jean Vautrin, notamment dans sa version BD de Tardi est excellente), j'ai été irrémédiablement attiré et scotché par ce roman. L'ombre des combattants des barricades flotte sur ce livre ainsi que celle de leurs bourreaux, de Galliffet par exemple ; la Semaine sanglante (du 21 au 28 mai 1871) sert de base historique. C'est un roman noir mélancolique, Paul se balade beaucoup dans les rues parisiennes en essayant de comprendre pourquoi on meurt brutalement autour de lui. Il fait des rencontres, notamment celle de Jean-Philippe Gallet un historien qui l'aidera à comprendre cette période troublée. J'ai appris ainsi l'existence du groupe d'artistes Les vilains bonshommes qui a compté brièvement dans ses membres, Arthur Rimbaud. Je ne suis pas spécialiste du poète, n'ayant pas biberonné à ses vers, je ne suis qu'un piètre connaisseur et amateur de poésie, mais j'avoue que j'ai été embarqué dans cette histoire.



Le suspense tient autant dans l'intrigue que dans les questionnements liés aux personnages : qui sont-ils ? A quoi jouent-ils ? Aucun d'entre eux ne correspond aux stéréotypes de son genre. Ils ont tous un côté mystérieux voire étrange et secret, ce qui est un pur plaisir de lecteur. Les stéréotypes, il en faut, surtout dans le polar, mais lorsqu'ils sont détournés, c'est encore mieux.



Un roman noir avec un fond historique, une langue qui scotche les lecteurs, des personnages qui ne font pas forcément ce qu'on attend d'eux, que demander de plus ? Rien.
Lien : http://lyvres.fr
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Fausses routes

Si le texte, comme nous le rappelle l’étymologie, est un tissu et la nouvelle un tissage bien particulier, Gilles Verdet est un maître qui tire avec brio les fils de sa trame narrative. On reste admiratif devant l’habileté de sa construction en écho et les perspectives qu’ouvre le croisement des récits.

Il est difficile et pour tout dire cruel de rendre compte de récits policiers, surtout lorsque ceux-ci jouent sur l’imprévu, le secret, l’inattendu qui vous entraîne sur une voie qui n’a pas été choisie et encore moins envisagée. « L’insolite et l’incongru n’existent que parce que l’on ne s’y prépare jamais. » Et plus on croise les routes, plus on multiplie les possibilités.

Dans ce livre, la vie, avec ses chassés-croisés, ses boucles fantaisistes, ses « fausses routes » réserve de drôles de surprises, certaines plus assassines que d’autres et l’horreur, la violence voisinent avec le cocasse plus souvent qu’à leur tour. Le lecteur découvrira au fil des cinq nouvelles noires, non dénuées d’humour, les liens connexes entre les personnages, les situations, les objets, les dialogues, les petites phrases…, les intrigues se nouant à Paris autour d’un bistrot où gravitent les protagonistes. « Les terrasses de bistrot c’est le parterre d’un théâtre. », les secrets s’y dévoilent au grand jour, et pour les autres, ceux de l’arrière-plan, on les imagine « tout au fond ». Il y a du théâtre en effet, et du cinéma, dans ces comédies tragiques mises en scène par Gilles Verdet. S’y répondent, à différents niveaux de profondeur, quelques figures masculines et féminines : le timide, le sûr de lui, le floueur floué, la bobo branchouille, le comédien figurant, le clandestin débrouillard, le trublion de service, le couple adultère, le voyeur, la maîtresse sado-maso, le marchand malhonnête… chacun pouvant jouer, selon la scène et l’heure, plusieurs rôles dans plusieurs costumes…. C’est un microcosme interconnecté aux prises avec ses vies secrètes, ses trompe-l’œil, ses jeux de miroirs que nous raconte l’auteur qu’on imagine ici, à l’instar de ses personnages, attablé en terrasse, « la curiosité aux aguets », caméra dans l’œil, prêt à varier ses points de vue, ses angles, tout comme ses registres de langue, notamment l’argot.

Le lecteur s’amusera à revenir en arrière pour saisir le moment où chaque histoire bifurque dans une autre, créant des jeux de perspectives, des mises en abyme propres au mystère, à l’effet mosaïque, au leurre. Il pourra choisir par exemple de suivre le fil Magritte, cet as de la représentation des images mentales qui se moquait de l’esprit de sérieux. On retrouve en effet dans plusieurs nouvelles les œuvres du peintre qui pourraient apparaître comme le fil rouge du livre, en tout cas fournir une clé de lecture parmi d’autres (le trousseau en contient plusieurs !).

L’auteur aime lui aussi aller au-delà des apparences et jouer avec la réalité, la vision que nous avons de cette réalité. Les éléments s’interpellent au fil de la lecture, tissant des rapports qu’on pourrait croire sans fin, s’il n’y avait ces morts inscrites dans la trame des histoires, avec un effet domino qui touche tout le monde. La faute au petit grain de sable contre lequel on ne peut rien, un petit effet papillon, une mauvaise note sont toujours possibles, un couac dans la partition et hop, le pire arrive, comme allant de soi. Et le pire du pire peut se cacher derrière le banal le plus inoffensif. Finalement, les chutes dans la vraie vie n’ont peut-être pas grand-chose à voir avec celles des livres ou des films. On repense là encore à Magritte et à son souci de décaler l’objet et sa représentation, dans une démarche qui fuit tout conventionnel. « Ceci n’est pas une pipe », de même que ce bouquet de roses n’est pas un bouquet de roses, mais l’image d’un bouquet de roses. La peinture n’est pas un miroir de la réalité, l’écriture non plus, elle est plus que cela puisqu’elle nous contient, nous et notre regard, tout comme celui des personnages. Entre réalité et fiction, vérité et mensonge, on peut faire fausse route plus d’une fois.

C’est cette vision entrecroisée, chorale pourrait-on dire (dans le sens filmique du terme), interprétable à plusieurs niveaux, que l’on aime dans ces cinq nouvelles reliées par des fils qu’on s’amusera à tirer à sa guise, la pelote, elle, les déroulant dans l’unité d’un style dense, visuel, original et efficace. Une réussite.

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Voici le temps des assassins

Ce polar est désarçonnant. Il mixe les genres du polar avec une facilité et un liant déconcertant. On passe ainsi du polar de braqueur au polar historique sans jamais perdre de cohérence. Et que dire de la fin ? C est tout simplement génialement trouvé. Les personnages sont psychologiquement bien travaillés et comportent tous leur part de mystère. On se laisse embarquer et mener par la main avec un réel plaisir. Un auteur à découvrir et à suivre.
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La sieste des hippocampes

ces quatre nouvelles sont sans aucun doute très "prenantes" attachantes, mais bien sûr on ne doit rien révéler à vous de les lire
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Voici le temps des assassins

Tout commence par un casse dans une bijouterie qui devait être celui du siècle, ultra rapide et efficace! Naturellement, rien ne se passe comme prévu et Simon, l'un des deux protagonistes est tué à bout portant par deux personnes vêtues d'abaya laissant juste apercevoir leurs yeux.

On suit alors la route de Paul dans sa recherche de la vérité, route jalonnée des cadavres de ses amis au son des vers de Verlaine et Rimbaud pendant 7 jours de mai qui font écho à la Semaine sanglante.

Un polar noir, efficace, tout en gouaille, qui nous promène dans les ruelles de Paris et jusqu'aux confins de la Russie.
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Une arrière-saison en enfer

Excellent roman policier, des anarchistes de mai 68 perdus dans des embrouilles partouzards et barbouzards se retrouvent 20 ans après dans une affaire de drogue. Photos, bières, vins et musique compose la poésie du récit .

A ne rater sous aucun prétexte.
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Voici le temps des assassins

Si Gilles Verdet continue ainsi à nous promener dans Paris,son jardin secret, à nous offrir toutes les nuances de son écriture, à établir le contact avec des faits marquants de notre Histoire, à donner vie à des personnages émouvants, à broder adroitement du roman noir, je veux bien faire un bout de chemin avec lui...



La suite : http://bobpolarexpress.over-blog.com/2015/03/les-copains-d-abord.html
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La sieste des hippocampes

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