"Pour deux autonomes un flic"
L’idée de flics infiltrés dans le mouvement autonome n’est pas une vue de l’esprit paranoïaque, le « travail en milieu fermé » (comprendre des flics des renseignements généraux qui ne se font pas juste passer pour des autonomes le temps d’une manif mais en deviennent réellement, évoluant parfois pendant des années dans la mouvance infiltrée) se pratique réellement y compris en France. L’expression utilisée en sous-titre, volontairement outrancière et généralement utilisée à charge du mouvement autonome par les militants de l’extrême-gauche classique, est évidemment très exagérée. Il est difficile d’estimer l’ampleur de ce phénomène d’infiltration à long terme. Dans son témoignage, Georges Marion, ex-inspecteur des RG infiltré chez les autonomes parisiens, affirme qu’ils n’étaient alors qu’une douzaine sur Paris, doit-on le croire? Toujours est-il que le roman Un traitre chez les totos de Guy Dardel, qui place un flic infiltré dans le mouvement autonome au centre de son intrigue, est factuellement tout à fait réaliste. Ce roman paru en 1999 est vraiment poignant et prenant. L’action, les sentiments des protagonistes, l’intrigue proprement dite, tout s’empare du lecteur avec une terrible efficacité. Le fait que l’auteur, Guy Dardel, soit une figure historique du mouvement autonome français qui connaît donc parfaitement le milieu de fond de son roman n’y est sûrement pas pour rien. Mais il n’y a pas que ça. La force du livre repose également sur une qualité d’écriture impressionnante (d’autant plus par contraste avec l’écriture du même Dardel dans les productions militantes que je trouve au contraire lourde et brouillonne). On peut regretter que Dardel n’ait écrit que deux polars, mais je préfère me réjouir qu’il les ait écrits, et notamment Un traître chez les totos.
Chronique extraite d'un article plus long sur les polars et le mouvement autonome : https://romancerougenouvellesnoires.wordpress.com/2019/03/12/totoi-squatte-ton-polar/
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