Pierre H. Wouters

(...) On ne connaît pas d'avare joyeux. L'argent n'est pas drôle. Sauf pour moi ce jour-là où il explosa dans ma vie comme un soleil. La Justice venait de me rendre raison contre mon employeur, notre radio nationale, qu'elle condamnait à me verser un million de francs. Un million de 1951... Quand j'eus reconnu le chèque, je dansai de joie, à la stupeur de mon facteur. Ainsi donc, après cinq ans de procès, mon honneur de chroniqueur m'était rendu. La Radio m'avait vidé de mon fauteuil pour avoir parlé de deux livres "inopportuns", dont le Parlement dans la tempête, un reportage qui n'exaltait pas précisément des élus de l'époque. Le plus piquant fut la démarche que la Radio tenta en tapinois : si j'abandonnais mon million, grade et fonction me seraient restitués comme si de rien n'était ... Rien ? toutes ces années d'attente, de lutte et de travaux insensés ? Ma réponse tint dans un éclat de rire. Au passage, je salue toujours le Palais de Dame Justice. Une dame lente, mais point aveugle, qui sauve les derniers pères de sept enfants. (...)