AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de enkidu_


Graduellement, en effet, l’empire d’Abdülhamid II prend un tournant civilisationniste, mais dans un cadre très différent des colonialismes européens, car le modèle « civilisationniste » européen s’inscrit en porte-à-faux avec la définition classique de l’islam, qui conçoit la civilisation avant tout comme synonyme de la société, rurale, mais surtout urbaine. Même Cevdet Pacha, pourtant emblématique de l’époque hamidienne, s’acharne à réhabiliter le sens ancien du terme, largement accepté depuis Ibn Khaldoun, pour montrer que la civilisation n’est pas un idéal mais bien un « fait social » (içtimai vakıa). La « transplantation » du modèle européen dans le cas ottoman pose d’ailleurs de nombreux problèmes, ne serait-ce que parce que l’empire ne peut pas « civiliser » ses « minorités » confessionnelles, à savoir les chrétiens et les juifs, qui apparaissent, selon sa propre échelle des valeurs, de loin plus « civilisées » que les Ottomans musulmans. Comment nier, en effet, qu’elles disposent de plus d’écoles, et de meilleure qualité, gage d’une profonde intégration à l’Europe ? Dès lors, l’autre à « civiliser », porteur de toutes les vertus du noble sauvage, comme le courage et la vie ascétique, mais aussi de tous les défauts en termes d’arriération, émergera de la périphérie du groupe turc ou de l’islam sunnite. Au cours de cette opération, l’adhésion à l’islam, au sens dogme, foi et raffinement, deviendra la condition pour accéder à la civilisation.

Les premières cibles de cette politique sont les « mauvais musulmans » ou les groupes qui ne font pas partie des « gens du Livre » et ont par conséquent l’obligation d’accepter l’islam, de préférence l’islam hanéfite, qui s’impose comme (mezheb-i resmiye) l’« école de jurisprudence officielle ». Les Yézidis, des « gens simples, incapables de distinguer le bien du mal », sauvages refusant le service militaire, représentent le groupe à « civiliser » en priorité. La répression hamidienne prend de telles proportions que même Aziz Pacha, vali de Mosul, s’en indigne pour souligner, en 1893, que les Yézidis constituent une communauté pacifique. Les alévis kurdes sont un autre groupe sensible qu’il faut, selon un rapport datant de 1896, convertir à l’islam et civiliser par l’envoi de cheikhs nakșibendi suffisamment rémunérés. Le pouvoir hamidien porte aussi une attention particulière aux autres groupes non chrétiens mais « périphériques », des zaydites du Yémen aux chiites d’Irak, ou encore aux Bédouins, chez qui il dépêche des hoca bien formés et surtout généreusement rétribués.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}