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Citation de blueman38


Ushikawa était un homme petit. La bonne quarantaine, semblait-il. Sa taille empâtée était déjà informe et son embonpoint avait gagné la région du cou. Tengo n’était pas certain de son âge. Son apparence bizarre (voire anormale) permettait difficilement de le deviner. Il était peut-être beaucoup plus âgé, ou carrément plus jeune. S’il affirmait qu’il avait trente-deux ans – ou cinquante-six-, il faudrait bien le croire. Une vilaine denture, une colonne vertébrale bizarrement courbée. Le sommet du crâne aplati d’une manière peu naturelle, chauve, le pourtour déformé. La partie plate évoquait un héliport militaire aménagé au sommet d’une colline stratégique. Tengo en avait vu de ce style dans des documentaires sur la guerre du Vietnam. Les quelques gros cheveux d’un noir intense, frisottés, qui s’accrochaient au pourtour de sa tête plate et contrefaite étaient plus longs que nécessaire et pendouillaient sur ses oreilles. À coup sûr, ces cheveux feraient penser à des poils pubiens à quatre-vingt-dix-huit hommes sur cent. Tengo ne pouvait imaginer ce qu’ils évoqueraient aux deux pour cent restants.
Tout chez cet individu semblait être dissymétrique, de la silhouette aux traits du visage. C’est ce que ressentit Tengo au premier regard. Bien sûr, chacun de nous est affligé de certains défauts de symétrie. Il n’y a là, en soi, rien de particulièrement opposé aux principes naturels. Tengo lui-même avait des paupières dont la forme différait quelque peu. Son testicule gauche était légèrement descendu par rapport au droit. Notre corps n’est pas une marchandise produite en masse, fabriqué en usine sur un modèle unique. Dans le cas de cet homme, néanmoins, les discordances allaient au-delà du normal. N’importe qui constatant de visu ces déséquilibres prononcés avait forcément les nerfs piqués à vif et se sentait forcément très mal à l’aise. Comme lorsqu’on est face à un miroir courbe (malgré tout, terriblement net).
Son costume gris présentait d’innombrables faux plis, un spectacle qui faisait songer à une terre érodée par un glacier. Le col de sa chemise, d’un côté, rebiquait vers l’extérieur, le nœud de sa cravate était tordu au point qu’il en paraissait honteux de devoir apparaître là. Ni le costume, ni la cravate, et pas d’avantage la chemise n’avaient la bonne taille. Les motifs de la cravate, on aurait dit qu’un médiocre apprenti peintre les avait dessinés à l’image de vermicelles ramollis et enchevêtrés. Le tout semblait avoir été acheté au débotté chez quelque soldeur. À observer longuement ces habits, Tengo éprouva de la pitié pour eux, de devoir ainsi être portés. Lui ne ses souciait quasiment pas de ses vêtements, mais bizarrement, il portait attention à la tenue des autres. S’il devait choisir l’homme le plus mal habillé parmi tous ses gens qu’il avait rencontrés en l’espace de dix ans, cet individu entrerait sûrement dans sa sélection finale. Ce n’était pas seulement que son accoutrement était atroce. Il donnait l’impression de profaner intentionnellement le concept même de toilette.
Dès que Tengo pénétra dans le salon, l’homme se leva, sortit une carte de visite de son étui et la lui tendit en s’inclinant. Le nom de Toshiharu Ushikawa était écrit en idéogrammes, et, au verso, en caractères romains. Étaient également inscrits ses titre et fonction : « Fondation d’utilité publique à personnalité juridique – Association pour la promotion scientifique et artistique du nouveau Japon – Directeur en titre ».
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