C’est une scène familière. Un enfant prend un livre et le tend à un parent : « Tu me lis une histoire ? » Ou bien c’est l’adulte qui invite l’enfant, ou même le bébé, à regarder avec lui les pages d’un livre. À la maison, à la crèche, chez la nour- rice, à l’école maternelle, il le lui lit même parfois avant qu’il ne puisse en comprendre complètement l’histoire. La voix supplée alors au décalage entre la capacité linguistique du tout petit et le récit : elle exagère les modalités du langage, stylise les émotions, souligne la cérémonie des répétitions et des ruptures. Même le corps du lecteur peut venir à la res- cousse : des gestes peuvent mimer le rythme, accompagner le drame. En somme, le lecteur adulte fait naître autour du livre une sorte de petit théâtre dont le bébé ou l’enfant est l’auditeur et le spectateur.