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Citation de Christie71


Il parlait trop bien, l’abbé Chichambre. Il avait l’éloquence du coeur. Elle l’emportait tout à coup si loin que jamais il ne finissait son prêche sans vous recommander, non seulement la charité chrétienne envers les hommes, mais encore (ce qui est rare à la campagne) un peu de bonté pour les bêtes.

- Mes enfants, nous disait-il, vous pensez bien que ce n’est pas simplement pour se donner un divertissement agréable que Saint François d’Assise a parlé aux pinsons et aux bergeronnettes. Si le Paradis est un jardin, il y pousse des arbres ; et s’il y pousse des arbres, comment voulez-vous qu’il n’y vienne pas des oiseaux ? Alors est-ce que vous vous voyez là-haut en train de dénicher des roitelets à la barbe des anges ? Quel affreux scandale ! Saint Pierre aurait tôt fait de vous lancer, la tête en bas, les pieds en l’air, dans le trou le plus noir du Purgatoire. S’il en est ainsi, pourquoi donc voulez-vous qu’un crime qui, au ciel, paraîtrait abominable, devienne un péché gros comme le doigt, sous prétexte que vous habitez à Peïrouré sous les platanes ?

Il n’y avait rien à répondre à cette question éloquente. C’est pourquoi, sans désemparer, l’abbé concluait d’une voix forte :
- Et maintenant que j’ai parlé, j’espère qu’on ne verra plus Antoine Toquelot faire omelette avec des œufs de rossignol à l’ormeau de la Bastidone ni Claudius Saurivère taquiner le canari de
Mme Calboutier, comme il le fait, toutes les fois qu’il passe sous sa fenêtre, rue de la Vieille-Citerne.

L’abbé se taisait.
Nous cependant nous n’avions garde de bouger, car nous savions qu’on allait entendre autre chose.
L’abbé ayant repris haleine, tiré son grand mouchoir à carreaux, reniflé, soufflé, replié lentement l’étoffe, prenait son temps pour réfléchir, puis finissait par dire :
- Hé bien ? qu’est-ce que vous attendez là avec vos grandes oreilles ? J’ai parlé, il me semble…
Allons, ouste ! … Prenez la porte !...
Comme personne ne bronchait encore, il nous regardait un moment, hochait la tête, puis ajoutait sur un ton confidentiel :
-Et maintenant, si vous voulez faire plaisir à votre vieux curé qui somme toute vous aime bien, soyez bons pour l’âne Culotte.

« L’âne culotte » : Henri Bosco
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