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Citation de Medelie


Malgré le choix superstitieux du cinquième jour du mois pour la collection, c’est une catastrophe, du moins aux yeux des journalistes français et anglais. Les robes et les ensembles que présente Chanel apparaissent aux regards des admirateurs de Dior et du new-look comme des fantômes du passé, des survivances des années 20 ou 30… Au mieux, c’est pour eux une mélancolique rétrospective, au pire, le défilé consternant de toilettes complètement démodées. L’ambiance est glaciale et on n’entendra que quelques maigres applaudissements. Zeffirelli déclarera plus tard que ce fut là une des plus cruelles expériences qu’il ait connues de son existence. La presse fut « atroce de mépris et de méchanceté », écrit Michel Déon. Certains articles étaient déjà prêts avant que les journalistes eussent vu un seul modèle. Combat titre : « Chez Coco Chanel à Fouilly-les-oies en 1930 »…
À l’issue de cette première présentation, Coco ne se montre pas à ses amis. Elle veut leur épargner et s’épargner à elle-même le spectacle de leur embarras. Chanel reste apparemment de marbre : c’est dans ces circonstances que l’on reconnaît la trempe d’une personnalité. Madame Manon, toujours très proche d’elle, se souvient qu’elle craignait beaucoup « la réaction que Mademoiselle aurait le lendemain de ce fiasco ». C’était sous-estimer celle qui était déjà une « dame de fer ». « Ils vont voir ! dit simplement Gabrielle, nous allons recommencer… » Et elle se remet aussitôt au travail. Certes, on n’aperçoit pas l’ombre d’une cliente et les grands salons d’essayage du premier sont déserts. Mais « tant mieux, dit-elle, on ne sera plus à l’aise que dans le petit cabinet du second pour préparer la prochaine collection ». Voilà comment elle parle, rue Cambon, pour rassurer et galvaniser ses troupes.
Sa vraie force réside dans sa certitude absolue d’avoir raison. Au lieu de lutter avec ses concurrents sur leur propre terrain, elle va renverser la situation en montrant que ce sont eux qui sont démodés. Ils agissent exactement comme le vieux Poiret, explique-t-elle, ils cherchent à épater leurs clientes par leurs extravagances vestimentaires au lieu de se soucier des femmes elles-mêmes et des réalités qu’elles vivent. Ils oublient cette vérité élémentaire : il faut qu’elles plaisent aux hommes ; il faut qu’ils s’écrient non pas « quelle jolie robe vous avez ! » mais « comme vous êtes jolie ! » Et cela, Gabrielle est sûre que les femmes finiront par le comprendre.
Ce qui frappe ici, au moins autant que la force de volonté de Gabrielle, c’est l’intelligence de son analyse. Curieusement, ce n’est pas la France ni l’Angleterre qui vont comprendre Chanel mais les États-Unis, et ils entraîneront l’Europe qui, à son tour, lui fera un triomphe.
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