Herb Gardner

Clara veut mettre son père, Nat, en maison de retraite, parce qu’« il n’a plus le sens des réalités ». Mais le vieux Juif, vieux militant de gauche à l’imagination débordante, n’a-t-il pas raison de vouloir lui imposer des modifications et retouches, à cette réalité assez peu excitante: « La vérité? La vérité, c’est l’hôpital pour un triple pontage l’année dernière. La vérité, c’est la viande de seconde qualité au supermarché, la retraite qui ne pourrait même pas payer le loyer de la fourmi la plus parcimonieuse. C’est quoi la vérité? D’aller tous les matins à l’entrée de service du Plaza, pour ramasser les restes des réceptions de la veille qu’on fout à la poubelle: je dis que c’est pour les pigeons, mais le pigeon, c’est moi. »

Alors, quand la réalité est trop moche, Nat fait montre d’une créativité admirable - bien que parfois catastrophique - pour la transformer, au moins en lui insufflant la vie, l’énergie de l’imaginaire, en lui superposant de multiples vies fantasmées beaucoup plus palpitantes: « J’ai été une seule et même personne pendant quatre-vingt-un ans, j’ai décidé d’en être cent différentes jusqu’à ma mort. »



J’ai beaucoup aimé cette pièce, drôle, triste, parfois un peu grinçante, parfois un peu loufoque. Nat est un beau personnage, attachant et intéressant.

Une jolie découverte.