Dans le milieu de mon enfance, du cousin qui faisait de si bonnes imitations pendant les repas de famille, de l’écolier qui dessinait tellement mieux que tous les autres, on disait : « c’est un artiste ! » On le disait sans dérision, avec une admiration sincère pour une habileté, un don, une excellence qui sortaient vraiment de l’ordinaire. Voilà, c’était ça : extraordinaire, suscitant l’admiration et le ravissement. Le cousin n’est jamais monté sur les planches, l’écolier a pu devenir un grand artiste ou un concepteur d’actions figures, peu importe, ce qu’ils réalisaient alors était un talisman où venait se déposer ce désir d’art flottant qui est de tous les temps et de toutes les sociétés, qui peut habiter des personnes qui ne connaissent le théâtre qu’à la télé et ne mettront jamais les pieds dans un musée. Les collections du Musée International des Arts Modestes expriment ce désir d’art en suspension et qui se pose là où l’on est (un vide-greniers, une boutique d’aéroport), sur ce qu’on trouve (un jouet, un cendrier en céramique), et qui néanmoins nous soulève dans un moment d’étonnement, de plaisir pur. Les objets réunis dans les collections du MIAM n’entrent pas, par exemple, dans la non-catégorie du « Tout est art » professé par Ben. Ce sont plutôt les objets, modestes en effet, qui dans une épiphanie les révélant à notre sensibilité, se distinguent de tout le reste. Notez qu’on les reconnaît à leur qualité esthétique, à un savoir-faire, parfois à la prouesse technique dont ils témoignent, enfin à l’émotion qu’ils éveillent au fond de nous, c’est-à-dire selon des critères partagés par le plus grand nombre, relativement classiques. » (Catherine Millet)
Étant originaire de Sète (petit port de la Méditerranée), l’objet souvenir de mon enfance prenait naturellement la forme de personnages en coquillages ou de crustacés en céramique, de coraux-lampes-de-chevet ou de mouettes en plastique, de bateaux en bouteille ou d’amphores-paysages-sous-marins. Les boutiques du quai de la Marine regorgeaient de ces objets et chaque maison du Quartier Haut en possédait un, exposé sur la commode de l’entrée ou le poste de télévision. Mon parrain, à Balaruc-le-vieux, ramassait les coquillages de l’étang de Thau, et fabriquait des danseuses de flamenco, des flamants roses et des éléphants, tout ce qui lui passait par la tête et surtout ce qui plaisait aux touristes, qui achetaient ses œuvres dans une petite boutique de Mèze. Autant de souvenirs qui s’amoncelaient dans les voitures de touristes qui rapportaient dans les grandes banlieues ces morceaux de bonheur, ces petits soleils miniatures en plâtre ou en céramique. Ces objets qui représentent mon environnement quotidien provoquèrent mes premiers émois artistiques, mes premières envies de collectionner des objets que plus tard j’appellerais modestes. Mais je me mis vite à rechercher certains objets plus rares. ». (Hervé di Rosa)