AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Paroledunelivrophage



Quelqu’un franchit le seuil du garage. Je plissai les yeux face à la lumière aveuglante pour distinguer sa silhouette. Mad Rogan.

Son costume sombre lui allait comme un gant, soulignant ses larges épaules, son torse puissant, son ventre plat et ses longues jambes.

Allons bon. Une visite de la part du dragon. Ça ne présageait rien de bon.

Il s’avança vers moi. Le véhicule à chenilles sur sa gauche glissa hors de son chemin, comme repoussé par une main invisible. Le Humvee sur sa droite racla le sol à son tour. Je haussai les sourcils.

Il approchait toujours, ses yeux bleus braqués sur moi. Je fis instinctivement un pas en arrière. Mon dos heurta le mur derrière moi.

Le tank aéroglisseur de plusieurs tonnes s’écarta en flottant vers la paroi. C’était donc ça, le secret pour le faire fonctionner : il fallait simplement que Mad Rogan soit dans le coin pour le déplacer.

Rogan s’arrêta à quelques centimètres seulement de moi. Un sentiment de vertige et d’excitation mêlée d’alarme m’envahit.

— Salut, dis-je. Vous prévoyez de tout remettre en place en repartant ?

Il avait des yeux d’un tel bleu… J’aurais pu m’y perdre pour l’éternité. Il me tendit la main.

— Il est temps d’y aller.

— D’aller où ?

— Où nous voudrons. Choisis n’importe quel endroit sur la planète.

Waouh.

— Non.

Il se pencha légèrement vers moi. Nos peaux se touchaient presque.

— Je t’ai laissée une semaine avec ta famille. Le moment est venu de partir avec moi. Ne sois pas têtue, Nevada. Ce baiser m’a dit tout ce qu’il y avait à savoir. Tu sais aussi bien que moi comment cela va se terminer.

Je secouai la tête.

— Comment cet instant était-il censé se passer dans votre tête ? demandai-je en m’assurant bien de continuer à le vouvoyer. Vous aviez prévu de débarquer ici, de me prendre dans vos bras et de m’emmener au loin comme si vous étiez un officier et moi une ouvrière dans un vieux film ?

Il sourit. Il était si beau que c’en était presque insupportable.

— Tu aimerais que je te porte ?

— La réponse est non, Rogan.

Il cligna les yeux, incrédule.

— Non, répétai-je.

— Pourquoi ?

— Ce serait une longue explication, et elle ne vous plairait pas.

— Je suis tout ouïe.

Je pris une profonde inspiration.

— Vous n’avez aucun respect pour la vie humaine, dis-je. Vous avez sauvé la ville, mais je doute que vous l’ayez fait parce que vous vous souciez vraiment de tous ces gens. Je pense que c’était avant tout parce qu’Adam Pierce vous avait mis en rogne. Vous embauchez des soldats désespérés, mais ce n’est pas non plus pour leur bien. Vous le faites pour vous assurer de leur absolue loyauté. Vous avez secouru votre cousin, mais ça ne vous posait aucun problème de négliger l’existence même de cette branche de votre famille. Si vous vous étiez impliqué plus tôt dans la vie de Gavin, il n’aurait peut-être jamais croisé la route d’Adam Pierce. Vous estimez que les règles ne s’appliquent pas à vous. Quand vous voulez quelque chose, vous l’achetez. Si vous ne pouvez pas l’acheter, vous vous en emparez. Vous ne semblez pas avoir de remords pour quoi que ce soit et vous n’exprimez votre gratitude que lorsque cela vous sert à surmonter un obstacle. Je me demande si vous n’êtes pas un psychopathe.

» Peu importe que vous me rendiez folle, je ne peux pas être avec vous, Rogan, parce que vous n’avez aucune empathie. Je ne parle pas de magie. Je parle de la capacité humaine à compatir. Je ne compterais pour vous que tant que je vous serais utile, et même ainsi vous verriez plus en moi un objet qu’un amour ou une partenaire. Le fossé entre nous est trop grand, à la fois financièrement et socialement parlant. Vous vous serviriez de moi et, après en avoir fini avec moi, me congédieriez comme une domestique. Je devrais me débrouiller pour recoller les morceaux de ma vie brisée, et je ne suis pas sûre qu’il resterait grand-chose – de ma vie, ou même de moi – à recoller. Alors, non, je ne partirai pas avec vous. Je veux être avec un homme qui, s’il ne m’aime pas, se soucie au moins sincèrement de moi. Vous n’êtes pas cet homme.

— Joli discours, dit-il.

— C’est le seul que j’aie à offrir.

— Je sais ce qui se passe réellement. Tu as peur d’entrer dans mon univers. Peur de ne pas être à la hauteur. Plus facile de te cacher ici pour rester un gros poisson dans un minuscule étang.

— Voyez-le comme ça si ça vous chante, rétorquai-je en redressant le menton. Je n’ai rien à vous prouver, Rogan.

— Mais moi, si, à présent, répliqua-t-il. Je te promets que je vais gagner. Et lorsque ce sera fait, c’est au pas de course que tu accourras pour sauter dans mon lit.

— Ne comptez pas trop là-dessus, répondis-je.

Débarrassé de son vernis de civilisation, le dragon se tenait désormais face à moi, griffes sorties, crocs exposés, le feu de son souffle prêt à jaillir.

— Tu ne te contenteras pas de coucher avec moi, affirma-t-il. Je t’obséderai complètement. Tu me supplieras de te toucher, et quand ce moment arrivera, nous reparlerons de ce qui s’est passé ici, aujourd’hui.

— Jamais de la vie !

Je désignai la porte d’un doigt impérieux.

— La sortie est p…

Il m’agrippa. Ses lèvres se refermèrent sur les miennes. Il m’emprisonna au creux de son corps massif, écrasant mes seins contre son torse. Il me plaqua contre lui, un bras passé dans mon dos, une main refermée sur mes fesses. Une décharge de sa magie foudroya mon corps, qui capitula. Mes muscles se détendirent jusqu’à perdre toute résistance. Mes mamelons se durcirent, mes seins prêts à frémir sous ses doigts et sa langue. Un feu impatient s’alluma entre mes cuisses. Ma langue s’enroula autour de la sienne.

Mon Dieu, j’avais envie de lui. Terriblement envie de lui.

Il me relâcha, tourna les talons et repartit en riant sous cape.

Argh !

— C’est ça ! Allez… vous-en !

Je jetai ma clé en croix par terre.

— Ça, c’était du baiser ! lança grand-mère Frida depuis la porte derrière moi.

Je sursautai.

— Tu es là depuis combien de temps ?

— Assez pour dire que cet homme est on ne peut plus sérieux.

Les mots se bousculèrent sur mes lèvres.

— Je ne… Qu’est-ce… Salaud !… Peut aller se faire voir, je m’en fous !

— Ah, les amours de jeunesse… Toujours tellement de passion, commenta-t-elle. Je vais t’offrir un abonnement au magazine Mariage. Tu devrais commencer à regarder les robes.

J’agitai les bras dans un geste de frustration puis m’éloignai à grands pas avant de dire quelque chose que je regretterais.

Commenter  J’apprécie          14





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}