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Citation de Resistant


Au début de l’été 439AH (960), Nicéphore Phocas débarque en Crète à la tête de la plus puissante armée d’invasion jamais lancée contre l’émirat. Près de cent mille hommes sur des centaines de navires, d’innombrables engins de siège et le redoutable feu grégeois : Byzance n’a pas lésiné sur les moyens pour venir à bout de cet irrésistible émirat. Malgré une résistance héroïque, les Andalous sont submergés par le poids du nombre et rapidement assiégés en leur bastion d’al- Khandaq. (...) Aucun secours n’est à attendre du reste du monde musulman : les Omeyyades de Cordoue, trop lointains, et les Fatimides d’Afrique du Nord, semble-t-il impressionnés par la puissance de la force d’invasion byzantine, ont poliment reçu les appels à l’aide des ambassadeurs crétois sans promettre aucun soutien effectif. Le siège, de plus en plus strict, se poursuit toutefois tout au long de l’automne et de l’hiver, jusqu’à l’assaut final qui emporte les dernières velléités de résistance crétoises, le 15 muharram 350AH (6 mars 961).
C’en est fini de l’émirat andalou de Crète, et les Byzantins ne font pas dans le détail : toute la ville est livrée au pillage, ses mosquées et ses écritures saintes réduites en cendres, ses fortifications démolies. Là où Nicéphore Phocas passe, l’herbe ne repousse pas. Les musulmans qui n’ont pas été abruptement massacrés – les sources évoquent deux cent mille morts – sont réduits en esclavage ou contraints à la conversion au christianisme sous la férule de missionnaires très guerriers. Par l’épée, le feu et la mitre des évêques grecs, toute trace d’Islâm est brutalement et systématiquement extirpée de l’île.
Ainsi s’achevait, dans le sang et les larmes, cette formidable aventure qui avait manqué de renverser la grande Constantinople. Si l’émirat de Crète disparaissait sans laisser de traces, ou presque, il n’en demeure pas moins, pour l’Histoire, l’épopée étonnante et fascinante d’une poignée de rebellesmuladis chassés de leurs foyers qui auront fondé, au cœur de la Méditerranée, un État islamique qui aura fait trembler le puissant empire romain d’Orient et humilié ses armées pendant près d’un siècle et demi... Florissante économiquement et redoutée militairement, l’Iqrîtiyyah musulmane est ainsi l’une de ces surprenantes sagas historiques issues des rapports complexes entre Islâm et Europe : un univers où se sont côtoyés et ont combattu ensemble, sous la bannière du Prophète, savants arabes, marins ibériques ou égyptiens, renégats byzantins et autres affranchis grecs, à la croisée des chemins et au carrefour des civilisations ; le symbole d’un monde encore ouvert à tous les paris, où quelques milliers de réfugiés pouvaient fonder une puissance navale majeure et un centre régional prospère de la civilisation islamique.
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