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Citation de Charybde2


C’est pourquoi de tous les grands poètes du vingtième siècle,, Hugh MacDiarmid est sans conteste l’un des plus estimables. L’homme frappe par l’angularité de son parcours. Engagements puis ruptures, dans la vie affective personnelle comme dans les contrats politiques, jalonnent sa route. La philosophie qu’il en donna dans son plus étonnant poème, L’Homme ivre regarde le chardon (A Drunkman Looks at the Thistle) porte le nom barbare d’antisyzygy, c’est-à-dire une danse dialectique où sont co-présents les contraires. Au siècle des totalitarismes, on ne pouvait concevoir vision plus ample du pacte démocratique. Car si MacDiarmid porte au fond de lui l’héritage révolutionnaire d’un Robert Burns avec son impatience des conventions politiques et religieuses, il n’est pas moins l’héritier des dissidents puritains, ces « non-conformistes » qui ne cessaient d’interroger la Bible et le Ciel pour connaître leur destin. Par son histoire, l’Écosse est individualiste jusqu’à l’anarchisme, tout au moins farouchement anti-catholique. Marie Stuart, c’est-à-dire Marie de Guise, en sut quelque chose qui croyait trouver un appui solidaire contre la reine Élisabeth parmi ses sujets. Dans cette alliance des contraires – cette antisyzygie – il n’y a pas place pour une souveraineté traditionnelle. Au fond de son ivresse pleinement due au whisky, le héros de MacDiarmid rejoint l’ivresse métaphysique et les spéculations les plus tourbillonnantes. Rien de semblable ni d’approchant dans la sage poésie anglaise. Il faut cheminer jusqu’aux landes de King Lear pour trouver dans la personne du vieux souverain gallois un délire aussi vertigineux que celui de l’Écossais. Cela explique sans doute pourquoi ce poème de près de quatre-vingt pages, dont le rythme change sans cesse d’allure, dont la langue passe tour à tour de l’apostrophe alcoolisée à la prose la plus lucide puis au lyrisme le plus tendre, est resté inexploité et inexploré par la tradition britannique contemporaine. Comparez cette écriture avec celle de T.S. Eliot ou de W.H. Auden ! Une fois que vous aurez franchi l’enchardonnement de la langue dialectale, vous vous retrouverez en paysage totalement inconnu. L’Homme ivre est une espèce de saga norvégienne d’un seul, Eric le Rouge attardé qui aurait manqué les côtes du Vinland – l’Amérique – pour continuer dans une navigation boréale au-delà des frontières humaines connues.
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