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Critiques de Jane Evelyn Atwood (3)
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Jane Evelyn Atwood

En matière de photographie, je me rabats comme je peux sur ce que je trouve, et quand j'ai de la chance, je dégote un bouquin d'occasion. Cette fois, j'ai fureté dans le rayon bien trop pauvre de ma bibliothèque de quartier, et trouvé ce titre sur Jane Evelyn Atwood. L'avantage de la collection Photo Poche, c'est qu'elle présente de grands photographes. L'inconvénient, c'est évidemment le format et le texte très restreint (quoique question texte, certains albums grand format en contiennent encore moins).





Je me serais passée du ton un peu trop grandiloquent de Catherine Chaine dans son essai introductif, bien que son texte ne soit pas complètement inintéressant. Je conseille aussi d'aller voir du côté de la biographie de Jane Evelyn Atwood en fin d'ouvrage, qui permet de comprendre à quoi font référence certaines photographies, et surtout dans quelles conditions et pourquoi elles ont été prises.





Jane Evelyn Atwood s'est attachée à certaines thématiques, parfois pendant de longues années : les prisons pour femmes, les personnes amputées à cause de mines antipersonnel, les prostituées, les enfants aveugles placés en instituts, entre autres. Elle voulait aller voir ce que les autres évitaient de regarder, et c'est réussi. Ce n'est pas nouveau, bien sûr : on pense à W. Eugene Smith, évidemment, ou encore à Diane Arbus, qui s'est toujours intéressée aux personnes à la marge de la société.





Plus jeune que ses deux collègues, Jane Evelyn Atwood est en quelque sorte dans la continuité de leurs travaux, tout en ayant trouvé sa propre voie. Elle a dit combien elle était obsessionnelle, photographiant encore et encore jusqu'à ce qu'elle ait eu le sentiment d'avoir enfin percé le mur qui la séparait de ces sujets. Et je crois vraiment qu'elle a brisé des tabous plus ou moins tacites : car après tout, Haïti et sa pauvreté, c'est loin, les mines antipersonnel, c'est loin, les institutions pour handicapés, on n'y met les pieds que si quelqu'un de son entourage y est placé (et encore), les prisons pour femmes, même chose (d'autant que vous ne verrez jamais autre chose qu'un parloir). Je regrette qu'on ne voit pas plus ici de photographies d'animaux, car dans celles présentées, il est difficile de discerner un projet ; et pourtant, en seulement quatre clichés, on y voit l'enfermement et la domestication : un caniche toiletté derrière un grillage, un boa dans un salon qui regarde à travers une fenêtre, un taureau dont on examine l’œil. Et un chat empaillé aux yeux de verre qui sert à des enfants aveugles (probablement pour leur faire comprendre ce qu'est un chat... sauf qu'il est bel et bien mort).





Voir des jambes amputées - pas une, pas deux, pas trois, mais au moins une dizaine d'un coup-, c'est pas facile. Voir ce que Jane Evelyn Atwood montre de la nudité, par exemple une prisonnière déshabillée de force par des gardiens hommes parce qu'elle a cherché à se suicider en avalant ses vêtements, c'est pas facile. Voir la pauvreté, le handicap, c'est pas facile. Surtout que les légendes précisent qu'il manque deux jambes et un bras à telle personne, et qu'elle a je ne sais combien d'enfants à charge. Jane Evelyn Atwood n'y va pas par quatre chemins, sa photographie ne donne pas dans le pathos. On sent l'intérêt qu'elle porte aux gens qu'elle photographie, on sent son engagement. On peut être dérangé, on peut se sentir, par notre seul regard, trop intrusif par moments : je pense à la belle-sœur de la photographe qu'on voit dans le coma, ou à une tentative de suicide dans une station de métro, ou encore aux traces de tentatives de suicide sur des bras de prisonnières. On entre dans l'intimité des personnes photographiées, et cette intimité peut être terrible, ou belle, ou les deux à la fois. On notera d'ailleurs qu'Atwood se réfère par moments à d'autres arts que la photographie, comme la peinture et la sculpture, un peu à la façon du mouvement pictorialiste de la fin du XIXème : militaire qui rappelle les peintres des Pays-Bas du XVIIème, femmes en deuil qui font penser aux pietà. Elle se réfère également à ses prédécesseurs, comme avec les stocks d'armes d'Al-Qaida qui jonchent le désert, photographiés comme les boulet de canons de la guerre de Crimée (le nom de l'auteur de ces photos m'échappe), ou les deux jeunes filles aveugles qui renvoient aux fameuses jumelles de Diane Arbus - deux jeunes aveugles dont le portrait a étonnamment un côté très XIXème siècle.





Ce qui m'a peut-être le plus frappée, c'est la façon dont Atwood joue avec la lumière. Parfois celle-ci nous renvoie à une sensation de bien-être, de bonheur ; plus souvent elle souligne l'enfermement : elle passe à peine à travers les fenêtres grillagées des cellules de prisons, elle n'est accessible que temporairement (transfert d'une prisonnière qui offre son visage au soleil le temps d'un instant), ou à travers une fenêtre qui fait barrière et laisse l'extérieur hors de portée.





Jane Evelyn Atwood est bien une photographe engagée, obsédée par l'exclusion, et force est de reconnaître qu'elle nous met sous le nez ce que la plupart d'entre nous évitent de voir à tout prix - ou qu'on ne voit qu'à travers un écran de télévision aux infos, avec la part de voyeurisme que cela implique presque toujours de nos jours.
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Haïti

https://dutremblementdesarchipels.blogspot.com/2018/06/a-rouge-lettres-lecture-sur-haiti-jane.html



"En 2005, Jane Evelyn Atwood se rend à Haïti, sa vision rompt radicalement avec l’imagerie que l’actualité impose régulièrement pour évoquer ce pays. Fascinée par ses habitants, la photographe choisit d’utiliser la couleur, avec ses ombres et ses contrastes, pour témoigner de la dignité et des espoirs d’un peuple qui ne se résout pas à la fatalité. " Maison Européenne de la photographie- Paris-2011





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Jane Evelyn Atwood

Jane Evelyn Atwood, c'est être au milieu d'êtres que la société voudrait que l'on ne soit pas. C'est montrer ce que l'on ne souhaite pas voir ou que l'on évite.

Il y a du voyeurisme, de la douleur, de la tristesse, de la compassion et beaucoup d'humanité au bout du compte.

Il faut regarder les choses telles qu'elles sont et non telles qu'on voudrait qu'elles soient.

La photographie a cet étrange pouvoir de vous envoyer "tout à la gueule" quand on ressent la sincérité, la rage et l'authenticité du photographe - ce faiseur d'images.
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