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Critiques de Jean-Baptiste Bertholom (6)
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Crimes de papier : Retour sur l'affaire Papon

Intriguée par cette bande dessinée qui s'empare de l'Affaire Papon en seulement 143 pages, je me suis demandée de quelle manière les auteurs, Johanna Sebrien au scénario et Jean-Baptiste B au dessin, allaient pouvoir être à la fois concis et efficaces.

Crimes de papier revient sur le parcours de Maurice Papon à travers ses fonctions de secrétaire général de la préfecture de la Gironde. pendant l'Occupation, son poste à la préfecture de Constantine en 1949, et celui de Préfet de police de Paris via l'Affaire de la station de métro Charonne.

Le projet est ambitieux. A travers Papon, et en établissant un parallèle avec le procès Eichmann qui se déroule à Jérusalem en 1961, les auteurs s'intéressent à la planification du crime de masse, au rôle d'un État qui le met en place et à celui des exécutants qui le cautionnent par obéissance aveugle aux directives ou par adhésion idéologique. Ils n'oublient pas non plus souligner les dysfonctionnements de la Justice - Papon blanchi par le Comité d'épuration du corps préfectoral, quitte Bordeaux, est intégré aux services centraux du ministère de l'Intérieur- ainsi que les manœuvres politiques (personnalité trouble de Mitterand), en montrant comment entre les deux tours de l'élection présidentielle de 1981, le cas Papon sort dans la presse. « Papon aide de camps » titre le Canard enchaîné. 

L'ensemble aurait pu être austère, si Johanna Sebrien et Jean-Baptiste B n'avaient intégré au scénario l'histoire personnelle (sous un autre nom) du bordelais Michel Slitinsky (1925-2012), historien et résistant qui parvint à se cacher lors d'une rafle, et perdit une partie de sa famille à Auchswitz. Lorsqu'en 1945, Alice Slitinsky, sa soeur, reconnait à Bordeaux les policiers qui les ont arrêtés, ils portent plainte mais tout se termine par un non lieu.

«  M Gribensky les archives bordelaises sont les plus dangereuses qui soient. Elles pourraient dégénérer en scandales, porter préjudice à l'honneur de fonctionnaires et à leurs familles. Elles provoqueraient des troubles pour la société. »

A travers Slitinsky/ Gribensky, ses cauchemars récurrents, sa culpabilité du survivant, les morts ne sont plus des statistiques, ils ont un visage, un passé, une histoire. Grace à lui, cette histoire française, cette très longue procédure judiciaire, ( l'avocat des parties civiles Michel Zaoui, préface Crimes de papier) gagnent en humanité. le dessin en noir et blanc de Jean-Baptiste B, très photographique, colle parfaitement au sujet.
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Crimes de papier : Retour sur l'affaire Papon

Papon et Alizée, même combat. En effet, tous deux adorent enquiller en boucle " C'est pas d'ma faute à moi...".



Crimes de papier ou l'itinéraire d'un petit fonctionnaire zélé.

1942.

La France est occupée.

Papon, alors secrétaire général de la préfecture de Gironde et petit doigt sur la couture, l'est tout autant à satisfaire les exigences toujours plus pressantes de l'envahisseur allemand.

Rouage plus qu'actif de la politique du chiffre, il contribuera largement à ce que les quotas de déportation soient les plus performants possible.



Voici son histoire...

Tous comme de nombreux dignitaires allemands jugés à Nuremberg, Papon, toute sa vie, n'aura eu qu'une ligne de conduite : responsable mais pas coupable.

Se retranchant systématiquement derrière une santé vacillante, lors de son procès, et un leitmotiv récurrent de petit fonctionnaire obéissant alors aux ordres sans jamais pouvoir les infléchir, Papon aura finalement traversé l'histoire sans véritablement faire repentance ni payer son dû pour l'ensemble de son oeuvre liberticide et mortifère.

Déportations, répressions sanglantes ( 1961 et 62 ), autant d'actes manuscrits visant à prouver que la violence physique n'a pas le monopole de l'horreur.



Le coup de crayon précis et l'encrage bicolore austère rendent parfaitement hommage à cette bien triste parenthèse historique, beaucoup moins à son zélé protagoniste...
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Crimes de papier : Retour sur l'affaire Papon

La lecture terminée, je suis restée sans voix : sujet difficile, complètement maitrisé et avec quel brio !

Le sujet : l’affaire Papon, depuis son poste à Bordeaux jusqu’à son procès et surtout les questions que cette affaire soulève, son impact sur notre imaginaire et sur notre réflexion.

Dans l’imaginaire populaire des siècles précédents, la guerre était l’affaire des professionnels et le citoyen commun pouvait être relativement épargné, si situé derrière la ligne de front. La seconde guerre mondiale a changé la donne : chacun peut être à la fois victime et acteur, même par le non-dit. Un long travail a été effectué pour disséquer, comprendre et affronter le fait que l’extermination en masse passe par une parcellisation des tâches, une responsabilité rejetée sur l’élément immédiatement supérieur : l’obéissance aux ordres, ce fameux rapport de dépendance à l’autorité, effrayant rouage de l’efficacité. Et c’est bien l’objet de cet ouvrage : Papon grand laquais d’Etat dont l’obéissance aux ordres équivaut à un cautionnement.

Née après la guerre, mon adolescence a été bercée par les chants des partisans, les récits de tous ces héros de la résistance, les films que programmait la seule chaîne de télévision entre « Nuit et Brouillard », « Les Canons de Navaronne », « La Bataille du Rail ». La France était grande et elle avait résisté à l’envahisseur ! C’était sécurisant ! Après Malraux et Kessel, il ya eu Astérix. Et puis, les années passant, il y a eu d’autres voix, il y a eu d’autres dictatures en Asie, en Amérique Latine et cette interrogation lancinante : comment des hommes peuvent-ils devenir les bourreaux sourds et aveugles de leurs concitoyens. Puis des débuts d’explication …le choc des procès comme ceux d’Eichmann et de Papon.

Notre « imaginaire nationale » a du en rabattre. Le régime de Vichy a été, de fait, un gouvernement de la France et il fallu attendre un certain discours du Président Chirac pour reconnaitre la complicité de Vichy dans la déportation des juifs. Et oui notre police a été mise à contribution, pas seulement la milice.

C’est aussi ce dur cheminement qui est raconté derrière le propos de ce roman graphique.

Sans oublier que les auteurs de cet ouvrage sont nés l’un et l’autre au début des années 1980 : ce sont nos/mes enfants et ils peuvent poser un regard serein sur les cinquante années qui ont suivi l’occupation. C’est le temps de l’Histoire.

La mise en scène est rigoureuse, basée sur des faits réels, étayée par le choix des séquences et des documents maintenant historiques du procès. Même pour un néophyte, la progression du récit est claire. Sacré travail d’analyse pour effectuer ce choix. Le prologue : la fin du procès Papon en 2002 et puis par flash-backs, suivi de la carrière de cet important laquais de l’Etat et des exactions qui émaillent son parcours. Papon reste un mystère, dissimulé derrière son masque et son arrogance. Eichmann apparaitrait presque moins distant, plus…humain !

Intelligence du scénario qui entrelace à ce récit oppressant de bassesse celui d’Arthur, dont la vie va être détruite : ses parents ont été « raflés », il sera séparé de la femme qu’il aime pour cause de judéité. Seul rescapé avec sa sœur de ce naufrage ; elle choisira de vivre en rayant d’un trait ce passé, lui consacrera sa vie à trouver, à nommer les coupables. Et, dans ce roman, c’est lui le symbole de tous ces gens qui ont cherché pendant des années, des décennies, retrouvé aux quatre coins du monde les dirigeants, les responsables de ces horreurs pour les amener devant une cour de justice.

Roman graphique superbement composé, servi par un dessin en noir et blanc, qui a l’exactitude d’un dessin d’architecte, la précision d’une photo. Jean-Baptiste B est , bien sûr un fin observateur :il capte avec tendresse les gestes, les regards et ce qu’ils traduisent de l’être, de la pensée qui le traverse. Rien qu’avec quelques gris nous sentons la chaleur qui règne sur ce sud-ouest, la lumière de la baie d’Ajaccio, la fraîcheur de l’ombre d’une tonnelle, le froid glacial du camp de concentration ou la froid humide et gluant des bords de Seine de l’année 1961.

Super bien titré ces « Crimes de Papier » sont illustrés, déclinés à la tête de chacun des trois chapitres qui constituent ce roman : une liasse d’ordre d’arrestation de juifs sous laquelle a giclé une tâche noire, de sang ? d’encre ?, quelques enveloppes datées de 1947 adressées à Isabelle, l’amour d’Arthur jetées en vrac sur un support éclaboussé d’une tâche noire…, un carnet fermé par un élastique sous lequel se répand…

Enthousiaste et touchée par ce roman, un extrait de la préface de Me Zaoui sera plus explicite : «C’était une gageure de présenter sous cette forme populaire et directe la terrible réalité de l’histoire française sous l’occupation, de faire admettre sans l’édulcorer le fait que notre pays, par l’intermédiaire de certains de ses agents comme Maurice Papon, s’était rendu complice de crimes contre l’humanité. Le pari a été gagné…Car les auteurs ont su, avec émotion et talent, transcrire le sérieux du procès Papon et ce qu’il a révélé de cette catastrophe du XXe siècle.»

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Crimes de papier : Retour sur l'affaire Papon

Coupable, non coupable ? Maurice Papon, le cas Papon est une énigme. Coupable d'avoir signé les papiers, oui. D'avoir obéi aveuglement aux ordres venus de très haut. Oui et non. Certains ont eu le courage de désobéir, l'ont parfois payé de leur vie. La justice a tranché : coupable.

Pourtant : légion d'honneur, préfet de police de Paris (manifestations de 1961, Algériens dans la Seine), ministre. Il donne surtout l'impression d'être une anguille très chanceuse. Enterrée avec les honneurs.
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Crimes de papier : Retour sur l'affaire Papon

La scénariste signe ici son premier roman graphique. Elle est en réalité pianiste et auteur-compositeur. Bon, elle avait rédigé un mémoire en science-politique sur le procès Papon tout en ayant fait un stage à la fondation Anne Frank. Bref, elle connait bien le sujet. Le dessinateur signe également son premier roman graphique. Il a travaillé dans l'univers de la publicité en tant qu'illustrateur.



Ensemble, ils vont réaliser un sujet original et difficile que celui du procès de Maurice Papon, un homme qui a collaboré avec l'ennemi sous le gouvernement de Vichy avant de devenir préfet puis ministre sous Giscard. Un homme qu'on pourrait qualifier de tout à fait respectable mais qui a été en réalité un des pires assassins que le pays ait connu.



Aborder le cas Papon sous forme d'une bande dessinée n'était pas une chose aisée car cet homme a fuit toute sa vie les horribles crimes qu'il avait commis en se présentant comme un héros de guerre, un gaulliste de la première heure, un ministre du budget etc... La véritable question du procès était de savoir si l'obéissance aux ordres pouvait exonérer de la responsabilité de la mort de milliers de juifs ?



Ce procès a permis de mettre en évidence qu'il y avait eu en France une bureaucratie criminelle qui avait permis au nazisme de poursuivre sa folie meurtrière sur notre sol ainsi souillé par l'infamie. Bref, une ouverture des yeux que beaucoup voulaient fermer au nom d'une certaine tranquillité d'esprit.



Un crime de papier, c'est un homme qui du fond de son bureau signe des ordres qui vont emmener femmes et enfants dans un train vers une mort certaine dans les camps de concentration. La justice tranchera en 1998: 10 ans de réclusion criminelle pour complicité de crime contre l'humanité que Papon n'effectuera pas en raison de son grand âge et de son état de santé.



Tout cela est bien louable. Il est cependant dommage d'avoir voulu agrémenter l'histoire par une romance fictive un peu légère. La multiplication des flash-back ne va pas améliorer la lisibilité de ce récit. Le trait du dessin sera également beaucoup trop approximatif. Par ailleurs, je n'ai pas vraiment compris le lien entre le procès Eichmann en 1961 à Jérusalem et le procès du Secrétaire général de la préfecture de Gironde.



En conclusion, il y a la rigueur dans cette quête de justice qui sera bien instructive pour sensibiliser l'ensemble des concitoyens à cette sombre période de l'histoire ainsi que le fait que la bureaucratie peut tuer. Pour le reste, l'amateurisme n'a pas permis une bonne mise en valeur sur le format de la bande dessinée.
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Crimes de papier : Retour sur l'affaire Papon

Malgré la densité du sujet, le livre réussit le pari d’être riche et fluide à la fois. [...] Un scénario qui peut compter sur Jean-Baptiste Bertholom, dont le graphisme en noir et blanc, froid et presque photographique sied tout à fait au récit.
Lien : http://www.bodoi.info/critiq..
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