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Citation de Charybde2


PROLÉGOMÈNES A TOUTE CRASHITUDE
FICTION SPINOZISTE N°1
Le cadavre est au bord de la route, une de ses mains est prise dans le bitume gluant. Le vent puant, venant d’une décharge proche, agite faiblement ses cheveux blancs, dont certains restent eux aussi collés au goudron. C’est l’été, le deuxième après le grand merdier. Je retourne le mort du bout de ma botte de lézard mauve. C’est bien ce que j’attends, un Néo-Punk. Sa poitrine est lacérée, tranchée à vif, le cœur expulsé, la veste de daim vert imbibée de sang comme une éponge, le corps nu de la taille aux pieds. Intactes, ses jambes blondes paraissent de porcelaine.
Pensif, je regarde la plaine vide et la route droite. C’est la cinquième fois que j’en retrouve un cette semaine, pareillement mort et trafiqué. À ce train-là, la bande des Néo-Punks va friser le zéro absolu. Je me penche et embrasse le jeune mort sur les lèvres, mais ce n’est décidément qu’un cadavre. Je me vois me redresser dans ses lunettes noires. Je marche sombrement sur le bord de la route en écartant lentement du pied des vieilles boîtes de plastoc qui traînent. Mes mecs, derrière, ne bougent pas, les motos sont silencieuses, seules les selles grincent, le camion est au point mort, quelques raclements.
Tout ça comme dans un film. Je me voyais, d’où l’usage de l’imparfait. Sur la route, moi, seul, plus loin, les trois motos, le Magirus Deutz 25 tonnes, autour, déserte et dégueulasse, la décharge de Miramas.
– Les Hégéliens, y’en a vraiment marre ! Ça va chier pour leurs poires !
Momo a parlé. Il chevauche largement sa moto Guzzi et se dandine névrotos avec un bonnet en laine de couleurs criardes et ses deux P .38 à la ceinture. Ses cheveux suivent le mouvement et frottent la toile de son imper beige. Je me retourne pour lui signaler d’un regard que je pense comme lui. Cela le rassurera, lui et les autres.
Dix jours qu’on avait perdu le contact avec Hégel, et ces salopards en profitaient pour se faire la main sur les punkies. Proie facile. Ces similis étaient toujours en retard sur tout le monde, à plus forte raison sur un flingue. On les avait rencontrés, ou du moins le reste de leur troupe, des zombies speedés à mort, et on n’avait laissé fuser que des ricanements. Maintenant, il y en avait cinq de moins.
– Par Baruch, il va falloir les rattraper, ces cryptos, s’ils atteignent Marseille, on aura du mal à les coincer…
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