UN AMI DORT
1948
Dieu qu'un visage est beau lorsque rien ne l'insulte.
Le sommeil, copiant la mort,
L'embaume, le polit, le repeint, le resculpte,
Comme Égypte ses dormeurs d'or.
Or je te contemplais, masqué par ton visage,
Insensible à notre douleur.
Ta vague se mourait au bord de mon rivage
Et se retirait de mon cœur.
La divine amitié n'est pas le fait d'un monde
Qui s'en étonnera toujours.
Et toujours il faudra que ce monde confonde
Nos amitiés et nos amours.
Le temps ne compte plus en notre monastère.
Quel heure est-il ? Quel jour est-on ?
Lorsque l'amour nous vient, au lieu de le taire,
Vite, nous nous le racontons.
Je cours. Tu cours aussi, mais à contre machine.
Où t'en vas-tu ? Je reviens d'où ?
Hélas, nous n'avons rien d'un monstre de Chine,
D'un flûtiste du ciel hindou….
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