Jean-Louis Vassallucci

La personnalité de ce dernier n'a rien de puérile. Son aspect non plus. Il dépasse les deux futurs conseillers religieux d'une tête dimorphe. La plupart du temps lourde à manier et d'une solidité rassurante au repos. En mouvements rapides à ses moments d'emballement. Une contrariété insistante. Un doute invisible. Une menace indicible. Son visage est alors traversé de brèves expressions changeantes. Furtivement menaçantes. Tous ses sens paraissent mobilisés. Il renifle, tend l'oreille et se calme d'un coup. Très tôt, les deux autres s'attachent farouchement à lui. A sa présence massive. Son silence entêté. Son évidente intégrité. (page 27)




Le jeu en valait la chandelle. Tous les jours de la semaine côtoyer les endoumois était déjà du bon temps. Et les dimanches, c'était la fête. On emballait une gourde d'eau, une demi-bouteille des frères Margnat, du bon pain, du fromage, des fruits, et on filait passer la journée à la plage du Prophète. C'est à peine si on se trempait les pieds, mais on inspirait bruyamment l'odeur des algues. On observait de loin les minots marseillais capturer des favouilles ou décrocher des arapèdes sur les rochers. Quand le silence s'installait, j'en venais à déclamer mes lectures récentes en les embellissant. (page 31)





1914. Sur le blasphème, les trois amis de Marseille partagent le même point de vue. Un être divin ne saurait avoir l'esprit assez mesquin pour venir s'en préoccuper ! Même pas dans une éternité d'ennui cosmique. Sanctionner le blasphème et les menus écarts, c'est juste un boulot de sbires auto-mandatés. Une tâche d'intendance institutionnelle. Un moment d'inquisition … (page 35)





Vient à Aaron une pensée émue pour Modestine, l'ânesse de Stevenson. Autre point commun d’Aaron avec un âne : c’est un être possiblement borné, têtu et râleur. Cévenol de mère. Napolitain de père. Un label de résistance à la soumission. Jamais conforme. Presque jamais d'accord. Par principe. (page 66)





En des temps pareils, lourdes sont les journées d'un pasteur rural. Jean s'effondre dans son vieux fauteuil. Et pourquoi ne pas s'endormir ? Fermer les yeux, inspirer doucement, ne rien attendre, laisser venir. Et recommencer. Espérer que le rêve arrivera vite. Coloré comme une carte postale lumineuse du monde : du bleu en toile de fond, du vert en bouquets et en lianes, des teintes dorées pour les fleurs du mystère ... Y aller pour tourner le dos au récit assourdissant de ce monde. (page 99)

Dans les contes de Giulia se glissent des fragments de Bible, de Tora et de Mayse-Bukh. Des envahisseurs allemands déferlent. Des villageois se tricotent des destins modestes. Un rabbin, un pasteur et un loup débattent entre eux.