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Citation de Partemps


Pour terminer cette trop brève évocation des mondes sonores de Tranströmer ces deux passages sur lesquels l’invitation à la méditation ne fait aucun doute :

« Et dans le temps résonnent… les coups de poings de l’éternité séquestrée » (Sieste)
« Ce soir transparaît l’accalmie du monde » (Elégie)

Confidences musicales chez Tranströmer

Le silence et les bruits habitent et enrichissent tous ses poèmes depuis le premier recueil 17 Poèmes de 1954 jusqu’aux Poèmes courts de 2002 qui de plus reçoivent le renfort de l’intérêt de Tomas Tranströmer pour la musique. Sa pratique du piano, son intérêt pour les grands compositeurs, ses expériences reliées à la musique lors de nombreux voyages enrichissent et illuminent ses textes.

Le concept de musique peut revêtir une connotation dramatique comme dans Histoire de marins où l’on peut lire ce passage : « Où l’unique survivant peut s’asseoir près du poêle de l’aurore boréale et écouter la musique de ceux qui sont morts gelés ». Il peut encore aider à caractériser le propos du poète comme dans Chant qui évoque le personnage de Väinämöinen tiré de l’épopée finlandaise du Kalevala : « …la flèche s’enfuit les yeux grands ouverts, en chantant, dans la baie, comme les migrateurs ». Plus loin : « Les cimes alpines de l’espérance fredonnent dans l’éther » et cette image saisissante du chaos : « Une musique née avant terme et comme jaillie de la fosse d’orchestre avant que le concert ne débute. »

Plus paisiblement, il évoque : « De partout et nulle part, une musique telle celle des grillons durant la nuit d’août », sans omettre cette phrase inoubliable : « La moitié silencieuse de la musique est là, comme le parfum de résine entoure les pins que la foudre a blessés ».

Tintement évoque bizarrement : « Et la grive sifflait son chant sur les os des morts ». Dans Ut majeur, ce passage laconique : « La musique se détacha » et dans Oiseaux du matin : « Le chant des oiseaux s’obscurcit ». Dans Avril et silence, il avoue :

« Mon ombre me porte
comme un violon
dans sa boite. »

« L’orgue s’arrête de jouer et un silence de mort s’installe dans l’église mais quelques secondes seulement. Pénètre alors le doux bourdonnement du trafic extérieur, le grand orgue » (Courte pause durant le concert d’orgue issu de La place sauvage). L’homme se laisse aller à confier son rêve (1990) :

« Ai rêvé que je dessinais les touches d’un piano sur la table de la cuisine. Sur lesquelles je jouais, en silence
Les voisins entraient pour m’écouter. »

Haikus est l’occasion de cette métaphore remarquable :
« Les lignes à haute tension
s’étirent au royaume du froid
au nord de toute musique. »

Tranströmer se plait également à citer et illustrer à sa manière des noms propres en rapport avec la musique. On pourrait citer Le rêve de Balakirev 1905 ; Haydn évoqué dans Allegro ; Edvard Grieg qu’il fait parler dans Un artiste dans le Nord ; l’évocation de la musique au temps des Soviets dans le cinquième poème de Baltiques ; Schubert dans Schubertiana ; Franz Liszt et Richard Wagner sont revisités à grands traits dans Funeste gondole.

Chez Tomas Tranströmer, nostalgie et espoir transitoire se disputent la première place, toujours rattrapés par la réalité destinale de l’individu coincé entre rêve négocié et triste finitude, entre évasion sans réserve et retour à la morne contingence, entre aphasie et précision chirurgicale. Tranströmer ce poète fascinant et terriblement lucide nous invite à l’impossible voyage, uniquement pour quelques excursions trop brèves.
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