Jean-Michel Quatrepoint

USA, Chine et Allemagne: trois pays, trois empires qui dominent l'économie mondiale.

Chacun de ces trois empires s'appuie sur ses grandes entreprises et se voit au centre du monde.

L'Allemagne a vite "digéré" sa réunification et tire profit d'un considérable "Hinterland" dont l'importance a grandi avec l'élargissement de l'Europe vers l'Est.

La Chine reste en quelque sorte l'Empire du Milieu et poursuit sa marche pour redevenir la première puissance mondiale qu'elle était au XVIIIème siècle, avant la première révolution industrielle.

Les USA prennent le virage de la troisième révolution industrielle; avec force d'innovations, investissements, reconstruction de l'appareil de production.

L'Allemagne, rendue encore plus forte depuis sa réunification, bâtit pas à pas une Europe allemande, bénéficiant aussi de sa position géographique d'"Empire du Milieu" de l'Europe.

La France est la grande perdante de cette nouvelle donne internationale.

Elle n'a pas tiré profit, comme l'a fait l'Allemagne, des nouvelles règles qui ont "libéralisé" le marché du travail comme la directive Bolkestein qui permet d'employer sur un territoire des travailleurs européens aux conditions de leur pays d'origine.

L'auteur, Jean-Michel Quatrepoint, a été journaliste au journal "le Monde" pendant 15 ans, et ensuite il a travaillé pour la presse économique et financière.

Il fait ici une très bonne analyse des forces en présence.

A regretter que le tabeau de la France soit si pessimiste, notre pays s'enfonçant dans la dépression économique et... nerveuse.

L'analyse est passionnante; le mérite de l'auteur est de nous montrer une dynamique historique et les perspectives possibles.

Le choc des empires de Jean-Michel Quatrepoint même s’il a été publié en 2014 reste une référence pour mieux comprendre les guerres commerciales de notre présent. Écrit avant le Brexit, avant l’élection de Donald Trump, avant cette guerre commerciale États-Unis vs Chine, avant la renégociation de l’Alena cet essai reste actuel. J’ai appris qu'Angéla Merkel écolo, communiste de l’Allemagne de l’Est et peut-être membre de la Stasi tenue en laisse par la C.I.A pour qu’elle ne négocie avec la Russie à propos du gaz naturel. Même si parfois certain chapitre du bouquin dépassait mon entendement par les méandres bancaires et les astuces comptables des entreprises, j’ai bien noté que les exploiteurs car il faut bien les nommer ainsi sont toujours à la recherche de la main d’œuvre qualifié et non syndiqué au plus bas prix possible. Cette mondialisation qui devient une guerre commerciale ou tous les gains des Trente Glorieuses vont s’effacer preuve à l’appui simplement voir la durée des conflits dans le monde du travail. Le monde change et rien n’est gagné car une entreprise peut fonctionner partout là où la masse salariale est la moins onéreuse.

La désindustrialisation de notre pays est préoccupante, mais en connaître les causes et disposer d'une analyse systémique, compréhensible et claire reste pour moi un objectif.

Par ailleurs, nous savons les réseaux des grands corps sont actifs au point d'avoir constitué une caste d'essence aristocratique, un sérail, qui pantoufle allègrement dans les entreprises mondialisées du CAC 40. Et nous savons vaguement que l'Etat n'a pas l'air d'y piper grand chose, en tout cas la communication semble bien avoir pris le pas sur des décisions stratégiques de long terme. Les français savent que la vente des bijoux de famille a eu lieu et se poursuit méthodiquement.

L'histoire que nous conte ici Jean-Michel Quatrepoint est terrible. Les faits et commentaires sont précis, étayés, la chronologie est respectée.

La compréhension des enjeux et des intérêts y compris personnels des dirigeants, actionnaires, banquiers et autres politiques est facilitée par la qualité pédagogique de l'écriture.

C'est bien sûr du côté du monde post- guerre froide que nous prenons conscience de l'inadaptation des approches franchouillardes et d'un autre temps. Nos élites n'ont rien compris à la judiciarisation américaine, avec l'extra - territorialité qui en résumé a permis aux américains de mettre main basse, à peu de frais, sur des pans entiers de notre industrie.

Petit résumé de la tragédie pour vous donner envie d'approfondir:

- En dix ans, Alstom a vendu les chantiers de l'Atlantique à un coréen, l'énergie a un américain, le ferroviaire a un allemand ( c'était il y a quelques jours)

- Les bénéficiaires ? Les actionnaires dont l'ex PDG parti avec ses 150 000 actions de bonus pour une retraite chapeau dorée et peut être poursuivre comme senior advisor ailleurs ...

- le vrai enjeu pour GE était de mettre la main sur les marchés d'entretien des centrales ( dont nucléaires ) équipées des turbines Alstom, qui fut leader mondial en tant que constructeur, mais on gagne bien plus dans la maintenance avec une marge de 35%, cinq fois plus que pour la vente !!

- Pour terminer, faisons parler la statistique : en France, en dix ans notre indice de production industrielle a diminué de 10%, elle a augmenté de 12% en Allemagne. le poids de l'industrie française est deux fois plus faible qu'en Allemagne, 11% pour nous, 22% du pib pour les allemands, 16 % pour la zone euro ! Pourquoi ? Parce que notamment en Allemagne et en Italie, le capital est resté aux mains des familles, de fondations où les banques régionales restent très présentes. L'Etat a joué un rôle très important après 1945 puis a lâché la grappe à des manageurs depuis les années 1990, manageurs qui se sont crus de droit divin, n'ont jamais été recadrés dans le sens de l'intérêt général, par l'Etat devenu impuissant par consanguinité des élites très supérieures ... Selon l'auteur, c'est bien une défaite d'effondrement du même type que celle de 1940 qui a eu lieu et dont il livre ici le dernier avatar.



Bonne lecture ! Pour cet excellent thriller économico/ ( géo) politique fourmillant d'informations et qui précise, avec honnêteté je le crois, ses hypothèses. Que voilà un journalisme utile et trop rare !

Alors qu'en Occident, les multinationales par l'intermédiaire de leurs lobbys contrôlent le pouvoir politique par le biais de l'économie, en Chine, les nouveaux communistes-capitalistes entendent que le politique continue de contrôler l'économique. Voulant prendre sa revanche sur les humiliations subies pendant les guerres de l'opium, la Chine qui est maintenant bien réveillée, s'est transformée en « usine du monde » et s'est lancée dans une politique mercantiliste agressive proposant de la main d'oeuvre abondante et bon marché en échange d'investissements massifs sur son sol et de transferts systématiques de technologies en sa faveur. « Un système où des esclaves fabriquent des produits vendus à des chômeurs. » La Chine ne prend que ce qui l'intéresse dans les traités qu'elle signe et bafoue le reste (réforme démocratique, réévaluation du yuan, non respect des normes environnementales). Elle accumule des monceaux de dollars. En 2000, son trésor de guerre s'élevait à 200 milliards de dollars. En 2011, il est passé à 3050 milliards non comptés les 130 milliards d'excédents de Hong Kong. Et pendant ce temps, en Occident, c'est le chômage de masse, les délocalisations à n'en plus finir, les déficits abyssaux, un endettement record aux Etats-Unis et une crise économique d'une telle ampleur que cela tourne au cauchemar pour les classes moyennes qui sont, lentement mais sûrement, laminées et paupérisées...

Cet excellent ouvrage de vulgarisation économique permet de bien comprendre la genèse de la situation actuelle, les erreurs de l'Occident en général et de l'Europe en particulier. La stratégie d'un pays comme la Chine qui s'enrichit et qui mène une véritable guerre de conquête économique du monde entier est particulièrement bien décrite. Achat de fleurons de l'industrie du luxe comme Dupont, Lanvin ou Cerruti, d'infrastructures aussi importantes que le port du Pirée ou qu'une ancienne base de l'OTAN près de Chateauroux, grands travaux en Afrique, etc. En dix ans, il est arrivé plus de Chinois en Afrique que d'Européens en 400 années de colonisation. Le lecteur découvrira également le rôle de l'Allemagne, seul état d'Europe à profiter de cette globalisation, tenté de jouer cavalier seul et de prospérer grâce à des méthodes semblables au géant chinois. Devant un avenir des plus sombres, Quatrepoint propose cependant des solutions : relocalisation et réindustrialisation, mesures de protection aux frontières de l'espace européen, réduction des gaspillages, taxation des multinationales (Ni Total, ni Danone ne paient d'impôts en France et la plupart des sociétés du CAC40 ne sont taxées qu'à 8% maximum !), taxe carbone aux frontières de l'Europe, taxation des mouvements de capitaux et financement de la dette par l'épargne des Français et non par la spéculation internationale. Un ensemble de mesures de bon sens qui n'intéressent malheureusement que fort peu de politiciens. Un livre à faire lire par tous les chefs d'Etat et aspirants présidents d'Occident... Pour éviter que cette « seconde globalisation ne connaisse le même sort que la première, qui s'est fracassée un jour d'août 14. » Tout est clair dans ce livre très agréable à lire, bien documenté, argumenté et très accessible, même à un béotien de l'économie qui veut s'informer sérieusement.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/