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Citation de Partemps


Jean-Pascal Dubost
F.T. : Est-ce que la citation ou le fragment de l’œuvre d’autrui te servent parfois d’inducteur pour partir dans une exploration qui te soit propre ?

J.-P.D. : La citation d’œuvre (littéraire ou non) provoque souvent l’élan inducteur du poème (sinon de tout autre texte), un déclenchement à retardement, quand bien elle n’aurait qu’une existence lointainement palimpseste. Parce qu’un texte fut force de sollicitation, d’attirance vers un gouffre excitant de rythme et de sens, le désir est fort, au moment de passer à l’acte d’écrire, de retrouver une épiphanie de lecture pour y puiser force et puissance d’écrire, force d’aller et d’avancer dans l’obscurité du sens qui nous environne. Antoine Compagnon démontre merveilleusement combien le travail de citation dans l’écriture est un gigantesque mouvement, « c’est mettre en mouvement, faire passer du repos à l’action », faire passer du repos éternel au vivant ; citer est un élan de revivification ; citer, c’est, étymologiquement, « mettre en mouvement » (: citare est la forme fréquentative (exprimant une action répétée) généralisée de ciere, qui signifie « mettre en mouvement, faire venir, invoquer, remuer »), il y a travail, dans la recherche fréquentative de citation ; il y a volonté de retrouvailles, énergie de la recherche du moment épiphanique de lecture afin de le réinjecter dans le geste d’écrire sinon dans le poème. Parfois, je quête dans des livres au hasard, en recherche consciente du mot ou des mots qui viendront se glisser dans le surmoi, l’empêcheur d’écrire, pour en éclater les verrous et libérer ce qui piaffe d’impatience dans le ça, je provoque l’heureuse sérendipité. La citation est l’expression d’un geste, d’un geste d’amour, comme un baiser déposé pour réveiller une belle endormie ; elle est l’expression d’un amour infini des livres, quelque soit le domaine qu’ils explorent. C’est pourquoi au moment d’écrire je retire un, deux ou trois livres, sinon plus, de ma bibliothèque, que je parcours, dont je relis une page, ou un passage, à chaque fois en lien avec ce qu’il me préoccupe d’écrire au moment où, et ainsi faisant, établissant un lien entre passé et présent (écrire, oui, peut-être aussi pour maintenir un contact infini avec les livres lus : désir incessant, insatiable). Je crois que je me sens de plus en plus écrivain centonifique (avec ce que ce portmanteau word contient d’allusions, centon + mirifique + sustantificque…), parce que, plus que jamais, impression ai-je que ce travail de citation est poème, au sens où nous sommes dans la fabrication, ainsi que le sens originel du mot « poème » nous le rappelle.


[Jean-Pascal Dubost et Florence Trocmé ]
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