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Citation de CREER


Il parcourut une sorte de grand cahier et s’écria :
« Oui, c’est cela, le bombardier Halifax HF. HDT — 726. Au soir du 3 novembre 1943, donc, ce porteur de bombes avait pris son envol dans une base du Sud Britannique. Mission : parachuter, aux Résistants de la Drôme, des lots d’armes assez importants. Si importants que Radio-Londres, tout l’après-midi et le soir du 3 novembre, passa et repassa ce message personnel « le sang est rouge ».
Je le sais fort bien, c’est moi qui tenais la radio dans le trou des Cévennes.
On avait même choisi un terrain du nom de Faber, au nord de Marsanne, pour larguer le matériel. Mais c’était sans compter avec la Gestapo. Elle vint mettre le grappin sur Albert Davin, le responsable local. Le pauvre, il devait mourir sous la torture. Il fallut choisir un autre endroit de parachutage. On désigna le terrain Temple, à quelques dix kilomètres au Nord. Les copains virent flamboyer les lumières de Portes-lès-Valence. Le terrain surplombait la vallée du Rhône. A minuit les signaux allaient être allumés pour le balisage.
Déjà on entendait le bombardier approcher. Ça ronronnait. Illusion, mes chers amis, illusion. Le bombardier il se trouvait dans le trou noir de l’Ardèche, dans ce que vous appelez le « Pot-au-Noir ».
– Et comment ça, fit Joseph Exbrayat, quoi que c’est qui l’avait détourné ?
– Attends, ma petite chevrette, coupa le religieux, en faisant rebrousser chemin à sa biquette, venue interrompre le dialogue ».
Il la sortit doucement par la barbiche et l’emmena au bord du précipice. Puis l’ayant caressée un moment, il revint et saisit à nouveau son carnet. Alors il lut à haute voix ce récit circonstancié : novembre 1943, 3 et 4 novembre.
« Le trou noir fait des siennes. L’officier de la Royal-Air-Force, Pulling, est le chef de bord d’un bombardier parti d’Angleterre. Il est au-dessus de l’Ardèche. Il s’est écarté de la Drôme, où il devait larguer à nos collègues du maquis. Le voilà aux prises avec le trou noir. Comme les autres, il n’y échappera pas. Il a dû consulter le lieutenant
Hodges, son adjoint copilote. Mais leur quadrimoteur ne leur obéit plus, ni à l’un ni à l’autre. Le trou noir ne pardonne à personne. Pourquoi cet étrange comportement de l’avion ? Barthélemy, le mitrailleur arrière, sous sa coupole, a déjà demandé à être relevé. Ce secteur frigorifié des Hautes-Cévennes lui gelait les mains. Autorisation
du chef de bord. Il est remplacé par Brough. Mais brusquement les perturbations s’aggravent. Aux environs de minuit et demi l’équipage sent que son appareil lui échappe. Il est rétif à tous les moyens de contrôle. Soudain une onde. Elle parcourut l’appareil. C’est le choc. Explosion. Très haut dans le ciel ardéchois. Moi, Léonce Bouteilloux, natif de Rodez, maquisard des Cévennes, j’entends la secousse au sol. Terrible. Brasier immense. C’est pas loin de moi. Je pense à mon père, à ma mère. Les allemands sont peut-être là dans les parages. Et si c’était pas les caprices du trou noir. Si les boches avaient mitraillé l’avion. Pourtant, d’après les rapports, non, tous les équipiers du bombardier ont péri. Voici leurs noms sur ce carnet de route, ça servira peut-être un jour : W. Smith, le capitaine Clark, un américain de l’U.S.A.F. nommé O. Penfold, un canadien de la R.C.A.F., le sergent de la R.A.F. l’australien R.L. Nott, enfin le français Barthélemy, fils du secrétaire de l’Ambassade de France à Londres. C’est lui qui, par interphone, avait demandé à être remplacé sous son plexiglas gelé ».
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