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Citation de Nieva


Nieva
25 septembre 2021
Enfin, le moment fatidique arriva. Ayant remercié le procureur, le président annonça avec un sourire, selon un usage affreusement stressant mais totalement perdu aujourd’hui, ce qui est bien dommage : « Le tribunal va maintenant entendre la défense, et se réjouit d’entendre pour la première fois Maître Mô. Maître, vous avez la parole. »
Les avocats connaissent l’état dans lequel on est à ce moment précis, et qui perdure toujours peu ou prou, notamment devant une cour d’assises : un long tunnel blanc et la bouche sèche…
Cette « annonce », de même que les dénégations farouches et contre nature de Farid, avait éveillé la curiosité de la salle, dès lors silencieuse et attentive.
Je dis « Merci, monsieur le président… » d’une voix que je voulais assurée, et me levai de mon banc comme monté sur ressorts, avec une rapidité proportionnelle à ma trouille.
L’un de mes grands pieds se prit alors dans l’une des suspentes de ma robe, et ma précipitation fit le reste. Mon mouvement vers l’avant fut immédiatement contrecarré avec force par le poids de ma jambe tirant ma robe vers l’arrière. J’eus le temps de me redresser de tout mon long avant que cette énergie invisible m’envoie littéralement valser vers la salle, au-dessus du banc, tandis que mes bras moulinaient désespérément vers le plafond, lâchant au passage mon dossier dont les feuilles explosèrent littéralement en tous sens, une partie au tribunal, une partie je ne sais où, une feuille sur les genoux de Farid toujours assis là, et qui n’en croyait pas ses yeux.
Je me retrouvai allongé sur le dos, les jambes au-dessus du banc, les bras en croix, un genou douloureux, et l’orgueil à jamais réduit à néant, tandis que tout le monde sans exception – public, greffiers, escortes, magistrats – riait à gorge déployée, un de ces fous rires de salle inextinguibles et absolument horribles à vivre… quand on en est l’objet.
La robe déchirée, mon dossier éparpillé, un genou en vrac, je me relevai péniblement pendant qu’autour on finissait par se calmer – Farid n’avait pas ri, il lisait la feuille de notes qui lui était tombée dessus. Je lui en serai reconnaissant à vie.
Le président reprit le premier son sérieux, me demanda gentiment si ça allait, et me rendit une parole que j’avais moi-même fait tomber par terre avec ce petit mot : « J’espère que ce n’est pas la défense de monsieur qui s’écroule… »
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