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Citation de SZRAMOWO


puis je fis lentement demi-tour et m’éloignais, mes compagnons m’appelaient à haute voix, je ne leur répondais pas, je voulais être seul, ce n’est qu’au crépuscule que je revins ce jour-là au palais et puis, il contempla un instant l’arc-en-ciel qui commençait à escalader le zénith, et continua : et puis j’ai essayé de ne plus y penser, c’était le printemps, je sentais son regard reposer sur moi plus souvent que de coutume, il me fit présent de ce beau manteau pourpre, en me le donnant il a dit : dans deux ans tu recevras des éperons d’or et une ceinture de chevalier, un autre jour, en me prenant par l’épaule, il a dit : tu es toujours songeur, j’aimerais tant connaître tes pensées, je ne les connais pas moi-même — lui ai-je répondu et je disais la vérité, car je ne connaissais pas mes pensées en ce temps-là, je marchais comme dans un rêve lourd et angoissant, je faisais les gestes que j’avais accoutumé de faire mais étranger à tout et à tous, il pensa : ils étaient nombreux ces jours et ces nuits où je marchais comme dans un rêve lourd et angoissant, mais je n’arrive aujourd’hui à en dire rien d’autre fors qu’ils étaient et qu’ils étaient nombreux et que je marchais entre eux comme dans un rêve lourd et angoissant, un jour de ce même printemps il m’emmena aux étuves, jusque-là j’y allais avec mes compagnons de jeux, j’aimais bien y aller, j’aimais la chaleur qui y régnait, les volutes de vapeur qui enveloppaient le corps d’une douce humidité, j’aimais ma nudité insouciante et celle des autres et comme j’étais très fort je gagnais toujours les joutes que nous organisions entre nous, j’aimais ces joutes, la nudité des corps échauffés et ma force et puis le lent repos sur des lits bas, mais ce jour-là je n’y allais pas avec mes compagnons mais avec lui, nous étions seuls, il avait renvoyé tous les suivants, au début je me sentais un peu emprunté, non pas du fait de ma nudité mais à cause du silence qui régnait dans cet endroit habituellement si bruyant, le bruit me manquait et mes compagnons aussi me manquaient, je ne pensais à rien, fatigué après toute une journée passée en selle, car au matin de ce jour j’étais parti faire une randonnée solitaire à travers bois, mais l’eau chaude eut vite fait de chasser de mon corps toute la fatigue, je me suis étendu sur le lit bas, ne pensant toujours à rien et même quand il me rejoignit sur le lit je ne pensais encore à rien, quand il s’étendit à mon côté et m’attira à lui sans mot dire entourant mes épaules de son bras, je sentais sa nudité auprès de la mienne et je voyais son visage mince et sec, jeune encore, quoique labouré de quelques rides sombres, son visage au nez aquilin et aux yeux si clairs qu’ils semblaient nus, je voyais son visage dans le même raccourci que je l’avais vu six ans auparavant pour la première fois, à un certain moment sans délier son étreinte, il ferma les yeux tandis que je les gardais ouverts, il me dit : tu es un homme à présent, oui — ai-je répondu — et sans esquisser le moindre geste pour éviter le contact de son corps nu, je lui demandai : c’est vrai que tu as tué mes parents ? je n’ai pas senti son corps frémir ni son cœur battre plus fort, je l’aurais pourtant bien senti, il répondit, les yeux toujours fermés : oui, et après, de la même voix à peine perceptible : tu es bien ? oui — répondis-je car en effet j’étais bien et en ce moment-là je ne pensais à rien d’autre qu’au fait que j’étais bien, je ne sais pas — dit-il — quand et par qui tu as appris que j’avais tué tes parents, je ne veux d’ailleurs pas le savoir, je ne veux pas que tu me le dises, il me suffit que, le sachant, tu restes près de moi, couché dans mes bras, je te l’aurais dit tout seul, peut-être cette année même, car tu es déjà un homme, c’est vrai, j’ai commis ce crime horrible croyant, plein de foi et d’espérance, que du moment que nous portions des manteaux de croisés et que nous avions juré de tout sacrifier pour arracher le tombeau du Christ aux mains des infidèles
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