Jim-B Tucker

Un enfant sur le retour ?

Patrick, adorable petit garçon aux longs cheveux bruns et au sourire espiègle, a été mon premier cas. Il venait d'avoir cinq ans quand je l'ai rencontré avec sa famille dans leur modeste maison située dans une petite banlieue du Midwest. J'accompagnais alors le Dr Ian Stevenson. Autrefois «jeune homme pressé», ayant pris la tête d'un service de psychiatrie à l'approche de la quarantaine, Ian avait délaissé les sirènes de la hiérarchie médicale au profit d'une activité à laquelle il allait se dévouer corps et âme pendant quarante ans : l'étude des enfants faisant part de souvenirs de vies antérieures. Bientôt octogénaire, mais toujours animé d'une vive curiosité, Ian avait pris rendez-vous avec la famille, car la mère de Patrick était convaincue que son fils était son propre défunt demi-frère revenu à la vie.
Pour Ian, le cas de Patrick était potentiellement important. Bien qu'il eût publié de nombreux articles et ouvrages sur des enfants ayant fait de nombreuses déclarations conformes aux détails de la vie d'une personne décédée, les meilleurs cas de Ian provenaient tous d'autres pays, essentiellement en Asie, continent sur lequel la croyance en la réincarnation est très répandue. En revanche, ses exemples américains avaient tendance à être moins solides. Ils étaient fondamentalement de deux types : les enfants qui semblaient se souvenir d'avoir été un défunt membre de leur famille et des enfants parlant d'une vie passée, mais sans donner suffisamment de détails pour identifier un individu décédé. Les cas dans lesquels l'enfant avait appartenu à la même famille avaient un point faible inhérent : il avait pu entendre d'autres personnes de sa famille discuter du défunt. En l'occurrence, si le cas de Patrick était de ce type-là, il y avait toutefois une autre caractéristique prépondérante : il avait trois taches de naissance semblant correspondre à des lésions qu'avait eues son défunt demi-frère, taches qui bien évidemment ne pouvaient en aucun cas avoir de rapport avec ce que l'enfant avait entendu.
Ian avait organisé un déplacement de trois jours ; son objectif était de faire preuve de minutie. Le premier jour, nous aurions un long entretien avec la famille, suivi d'un second le jour suivant pour revenir sur les points que nous aurions oubliés ou qu'il nous faudrait clarifier, et de conversations le deuxième et le troisième jour avec d'autres personnes faisant partie de l'entourage de Patrick. Nous espérions que ces longs moments passés avec Patrick l'aideraient à être suffisamment à l'aise pour qu'il ose aborder tous ses souvenirs avec nous.
Nous sommes arrivés au domicile de la famille et nous avons pris place dans le salon avec la mère de Patrick, Lisa. Ian a sorti une écritoire à pinces et un dictaphone de sa sacoche, marquée par l'usure liée à ses différents déplacements dans le monde. Il a testé le dictaphone et l'a placé sur la table basse. Puis il a commencé par demander à Lisa de lui parler de son défunt fils, de la vie duquel Patrick semblait se souvenir : «Cela ne vous pose pas de problème, n'est-ce pas, d'aborder le sujet ?» Lisa lui a répondu : «Non. Enfin si, mais bon, non. Par où voulez-vous que je commence ?» Ian lui a demandé de démarrer son récit au moment où son fils était tombé malade. D'une voix monocorde, elle a commencé son récit.