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Citation de le_Bison


Quelqu’un ouvrit une trappe dans le plafond. Je vis la silhouette découpée sur une poignée d’étoiles, une toile d’araignée barbelée nous séparait. « Alors c’est toi, la pédale cannibale. Je savais que vous les suciez, mais pas que vous les mangiez. » La voix, surgissant de l’ombre immense, laissait résonner, entre la vibration des planètes, de la curiosité. La nuit, là-haut, était épaisse, et l’homme s’ennuyait pendant son service sous ces étoiles froides, qui me semblaient à moi insupportablement vives… Tremblent, bleus, les astres au loin. Nerveux, le cône de lumière de la lampe me chercha et finit par m’éclairer : « Tiens, ta bouffe, ça a peut-être meilleur goût que les bites », dit l’homme, et il me jeta quelque chose d’enveloppé dans du papier qui tomba avec un bruit mou. « Régale-toi, tu as foutu tout le monde dans de sales draps, mais les plus sales sont pour toi. »

Il laissa retomber la trappe violemment, mes oreilles vibrèrent. Je cherchai à tâtons la nourriture. Je n’ai jamais su ce que je me suis forcé à avaler pendant les semaines ou les mois que j’ai passés là en bas. Il arrivait toujours la nuit pour me resservir ses insultes et me jeter le paquet de déchets, ou bien il me descendait un pot d’eau suspendu à une cordelette. Un jour, il pissa, jambes écartées de chaque coté de la trappe, de là-haut, sur moi. Je sentis le choc ammoniaqué et chaud de sa vessie sur mon dos. « Un verre pour la soif. » Je reculai du peu que me permettait le cachot pendant qu’il riait, adossé aux étoiles, son rire sans visage dénonçait son excitation. Il pissa tant qu’il put, dans toutes les directions, en me poursuivant avec son jet. « Je suis Mario. Grave-toi mon nom dans la tête : le Mario. » La trappe retomba avec son claquement habituel. Un étrange tremblement s’empara de moi, mélange d’humiliation et d’impuissance ; peu à peu, il se transforma en rage, en hystérie, en folie. Ma tête tapait contre les murs rugueux et rebondissait encore, et encore. Qu’est-ce que j’avais à foutre de la raison, de la masse encéphalique et de toutes ces connexions qui ne me procuraient que tristesse et souffrances ? Il fallait éclater le caisson aux souvenirs, la boîte à raisonnement, après, les morceaux de cervelle éclabousseraient les murs, le Mario viendrait les récupérer, ferait un paquet et irait nourrir d’autres punis. Il y en avait sûrement des milliers, disséminés dans des trous à rat semblables au mien, sûrement que pendant tout ce temps je n’avais fait que dévorer la folie des autres. Je perdis connaissance, quand je me réveillai je sentis le battement lancinant sous mon front, une obscurité acide envahissait le cachot ; sans doute l’odeur de pisse de Mario. Il faisait froid, un froid de roman romantique où l’on meurt de tuberculose. Je puais de partout ; j’étais tombé sur mes propres excréments qui commençaient à s’accumuler. Le chiotte de fortune, un trou creusé dans le sol de ciment, était bouché et il n’y avait pas d’eau pour le nettoyer ni pour me laver...
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