José Manuel Mateo Calderon

La précarité subjective, dénoncée par les auteurs de la seconde partie de ce livre, est le résultat de l’offensive idéologique qui fait perdre de vue la dimension collective du travail, qui dépolitise l’expérience du travail : l’organisation du travail et ses incohérences, les moyens et ressources (toujours plus limités) qui sont mis à la disposition du salarié pour effectuer son travail, les contradictions dans les prescriptions... Seuls restent l’individu et ses failles.

Dans ce nouveau modèle, le travail n’est plus le théâtre de tensions et de contradictions collectives, il est l’espace privilégié de l’auto-régulation, du contrôle de soi, de sa subjectivité en action. Or, comme le notent justement les auteurs, plus les individus ont le sentiment d’investir une part d’eux-mêmes au travail, plus ils ont l’impression d’être eux-mêmes au travail, et plus l’organisation du travail les assujettit. Lorsque l'organisation contrarie cet investissement personnel (par la standardisation et la démultiplication des procédures, lorsqu'elle empêche le travail collectif par la mise en concurrence, lorsqu'elle déprofessionnalise les travailleurs en transférant les savoir-faire au cœur des machines et des technologies (par l'automatisation, l'informatisation, la mise en process, etc.) lorsqu'elle brouille les repères en démultipliant les changements, c'est l'autonomie des salariés qui est profondément altérée, la capacité de chacun à pouvoir décider et à pouvoir agir dans un environnement qu'il connaît, qu'il maitrise, qui est disponible pour l'aider à travailler et à faire son ouvrage correctement. Ne nous y trompons pas, cette entreprise de précarisation subjective est sciemment organisée : c'est une entreprise d'asservissement dont les conséquences en termes de santé mentale pour chacun comme pour la société sont une catastrophe.

Plusieurs lectures s'avèrent nécessaires pour apprécier à sa juste valeur cet album, tout à la fois très contemporain de par son thème: l'émigration et très ancré aussi dans l'histoire puisque son graphisme repose sur une technique ancestral, celle de l'amate.
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