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Citation de Souri7


Souri7
05 décembre 2019
— Il faut que j’entre dans cette pièce. Y a-t-il une cour par-derrière, de laquelle je puisse voir la fenêtre de ce bureau ?
L’artiste le conduisit à un couloir obscur au rez-de-chaussée. Ils arrivèrent derrière la maison, dans une petite cour pavée. Un appentis bas, au toit de plomb, était bâti contre le mur, juste au-dessous de la fenêtre du bureau de Sorrell. Celle-ci était ouverte dans sa partie supérieure, et la pièce avait l’air habitée.
— Faites-moi la courte échelle, ordonna Grant.
Il se hissa sur le toit et déclara à son compagnon :
— Vous venez de participer à un acte des plus illégaux : violation de domicile !
— C’est le moment le plus heureux de ma vie, déclara l’artiste. J’ai toujours désiré enfreindre la loi, mais l’occasion ne s’en était jamais présentée. Et le faire maintenant, en compagnie d’un policier, est une joie que je n’aurais jamais cru la vie capable de me réserver.
Mais Grant ne l’écoutait pas. Ses yeux étaient rivés sur la croisée. Il se redressa lentement, jusqu’à ce que sa tête arrivât juste au niveau de l’appui de la fenêtre. Prudemment, il regarda à l’intérieur : rien ne bougeait. Un mouvement derrière lui le fit tressaillir. Il se retourna ; le peintre venait de le rejoindre sur le toit.
— Vous êtes armé ? chuchota-t-il. Voulez-vous que j’aille chercher un tisonnier, ou autre chose ?
Grant secoua la tête, et sans une hésitation, d’un geste rapide, releva la partie inférieure de la fenêtre et entra dans la pièce. Pas un bruit, excepté sa respiration un peu haletante. La lumière du jour, grise, livide, éclairait l’épaisse couche de poussière d’un bureau abandonné. En face de lui, la porte qui conduisait à la pièce du devant était entrebâillée. Il s’approcha et l’ouvrit. À cet instant, un énorme chat noir se précipita vers lui avec un miaulement de terreur et d’un seul bond sortit par la fenêtre. Grant entendit des cris de douleur, et le fracas d’une dégringolade. Il alla à la fenêtre : de curieux petits gémissements étouffés lui parvenaient de la cour. Il parvint jusqu’au rebord du toit et vit son complice assis sur le pavé, se frottant la tête et se tenant les côtes, en proie à un fou rire douloureux. Rassuré, Grant retourna dans la pièce pour jeter un coup d’œil sur les tiroirs du bureau de Sorrell. Tout était vide. On avait fait place nette. Mais Sorrell devait loger ailleurs. Grant referma la fenêtre et, se laissant glisser le long du toit de plomb, atterrit dans la cour. L’artiste riait toujours aux larmes et s’essuyait les yeux.
— Vous vous êtes fait mal ? demanda Grant.
— Aux côtes seulement, à force de rire !
Le peintre se remit péniblement sur ses pieds.
— Enfin, cela fait vingt minutes de perdues, dit Grant. Mais il fallait que j’en aie le cœur net.
Le peintre le précéda en boitillant dans le couloir obscur.
— Vous n’avez pas perdu votre temps, car vous avez toute ma gratitude, dit-il. Je broyais du noir lorsque vous êtes arrivé : je ne peux jamais peindre le lundi matin, et vous m’avez fait passer un moment inoubliable ! Lorsque vous ne serez pas trop occupé à enfreindre la loi, venez, je ferai votre portrait. Vous avez une tête charmante.
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