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Citation de Andricq


Honorine Fré à soixante ans passés se tenait droite comme une pointe et travaillait encore, par habitude, et sans fatigue, l'été, autant que le soleil éclairait, l'hiver, depuis le chant des coqs jusqu'au coucher des poules. Elle ne se souvenait pas d'avoir été malade ou d'avoir vu la maladie habiter chez elle. Dans sa famille on ne s'arrêtait que pour mourir.
Elle marchait comme d'autres courent, toujours pressée d'arriver, de faire vite et de repartir. La mort la surprendrait elle aussi à l'ouvrage. Un jour, en revenant de la rivière, une hotte de linge sur son dos, une brouette de torchons devant elle, elle soufflerait plus vite que d'ordinaire. La hotte pèserait sur ses reins, la brouette tendrait ses bras à les casser, et elle se coucherait sur la route sans rien dire. Ses mains s'étaient cuites à l'eau glacée, à l'eau de vaisselle, et sa figure à la buée des lessives, sur les marmites bouillantes, aux flambées de tolles de bois. Toute sa face s'était collée à ses os, plissée comme une bourse dont on a resserré les cordons. Ses doigts s'étaient noués au feu comme des, morceaux de prunellières.
Par les grands vents ses jupes de laine semblaient claquer sur du cuir. Elle gagnait dix sous par jour, nourrie.
On se rappelait l'avoir vue pleurer deux fois, au mariage de son fils Louis, et à la nouvelle de sa mort quand on le lui avait tué, soldat. En deux fois elle avait versé toutes ses larmes. Elle ne pensait pas pouvoir pleurer encore, non parce qu'elle manquait de cœur, mais parce que c'était trop sec en elle, roussi, brûlé ; rien n'aurait coulé, elle le sentait bien.
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