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Citation de Ziliz


[Bombay]
Je n'ai pas vu de culs-de-jatte accrochés au mollet des passants pour grappiller une roupie. On les avait chassés loin, très loin. Je suis allé me promener à une centaine de kilomètres du coeur de la ville, là où les gens n'ont pas de chaussures et dorment sous des bouts de tôle et de carton. Deux femmes se battaient pour le contrôle d'une bouteille de plastique vide. Des gamins exultaient, ils avaient réussi à capturer un rat, de la bouffe. Ils vivaient dans leur merde, littéralement. C'est le scorbut qui a la plus belle espérance de vie dans le quartier. On sait tous à quoi ressemble la pauvreté, on a vu des reportages. Mais la misère, la vraie, c'est d'abord une odeur, et la télé ne la transmet pas. J'ai demandé à un vieux comment il faisait pour supporter la douleur de cette existence. Il m'a répondu que cette vie-là avait moins d'importance que la suivante dans le cycle de ses réincarnations. Il ne s'inquiétait donc pas, son karma ne pouvait que s'améliorer. J'ai hoché la tête, je trouvais ça à la fois absurde et lumineux.
J'ai levé les yeux au ciel, j'ai vu le plus gros panneau du monde, 300 m2 minimum. Une photo avec des jeunes Indiens. Beaux, bien habillés, branchés. Une pub pour un show télé. Le slogan : 'Regardez-les gaspiller leurs millions.' Je me suis frotté les yeux : c'était réel. Au point de réveiller ma capacité d'écoeurement. Quelqu'un, après mûre réflexion, avait délibérément choisi d'afficher ce message-là à cet endroit-là. Ce niveau de cynisme, Goebbels aurait applaudi.
(p. 236-237)
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