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Critiques de Julius Fucik (1)
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Ecrits sous la potence



« Chez le juge d’instruction mon affaire est réglée depuis hier. (…) Ils ont fini d’écrire, c’est signé, et ils ont mis en paragraphes. Il y a six fois crime de haute trahison, des complots contre le Reich, la préparation d’un soulèvement armé et je ne sais quoi encore. Une seule de ces accusations suffit en elle-même. (…) Maintenant commence la période d’attente. (…) C’est une course de l’espoir avec la guerre. La course de la mort avec la mort. Qui est-ce qui viendra le premier : la mort du fascisme ou ma propre mort ? »



Celui qui a écrit ces mots, a été pendu le 8 septembre 1943 par les nazis, après avoir subi l’emprisonnement et la torture pendant de nombreux jours. Il avait 40 ans.

Il s’appelait Julius Fučík.

Il avait été condamné à mort par un tribunal nazi à Berlin le 25 août 1943, et amené dans cette ville depuis la prison de Pankrác, à Prague.

« Ecrit sous la potence » est l’œuvre d’un homme qui attendait sa condamnation à mort d’un jour à l’autre.

Ce livre est remarquable par sa souriante simplicité qui peut rappeler celle des premiers martyrs chrétiens.

On n’y sent pas du tout une résignation fataliste.

Pour un mortel, Julius Fučík apparaît débordant d’énergie. Il est rayonnant. Il aime la vie.

Son livre semble écrit avec une franchise tout humaine :

« Papa, Maman, pourquoi m’avez-vous fait si fort ? » dit-il après avoir été torturé par les SS, tout un jour et toute une nuit. « Une constitution de cheval ! » avait dit de lui le médecin de la prison où il était détenu.



Julius Fučík naît en 1903 à Prague. Il venait d’une famille ouvrière, et était le neveu du compositeur, nommé comme lui, Julius Fučík, connu pour sa pléthore de marches et de valses s’apparentant aux musiques viennoises.

Dès ses 12 ans, Julius Fučík voulait créer un journal, et très vite il va se tourner vers le théâtre, la littérature et la politique. En 1921 est fondé le Parti Communiste Tchécoslovaque, auquel il adhère et en même temps il s’engage dans le mouvement d’avant-garde artistique Devětsil (dont Vítězslav Nezval, Vladislav Vančura, Toyen, …). Il s’avère être un journaliste de talent, qui met toute son activité au service du Parti et de la glorification de l’Union soviétique, qu’il visite en 1930 et 1934, et dont il dressera un portrait enthousiaste dans plusieurs reportages et un livre. Il écrit régulièrement pour le journal partidaire « Rude Pravo » (Le Droit Rouge).

Il est régulièrement arrêté par la police politique.

En 1934, il est en reportage en Allemagne, témoin de la manière dont Hitler a déjà assis son pouvoir avec l’interdiction des partis communistes.

Avec les accords de Munich, puis l'invasion de la Tchécoslovaquie par l'Allemagne nazie en 1939, il passe dans la clandestinité et devient l'un des dirigeants du Parti, s'occupant de la republication du journal « Rude Pravo » sous forme clandestine. Il est arrêté avec six autres membres du Parti à Prague par la Gestapo, durant une descente de police.

Julius Fučík fut d’abord détenu à la prison de Pankrác à Prague où il fut interrogé et torturé. C’est alors qu’il écrit son « Reportage écrit sous la potence », connu en France et en Belgique sous le titre « Ecrit sous la potence », avec un crayon et des feuilles de papier à cigarette qu’un gardien lui fournit secrètement. Ce gardien et un autre, conservèrent par la suite les documents (167 pages manuscrites), pendant la guerre.



C’est au camp de concentration de Ravensbrück que son épouse, Gusta Fučíková apprit l’exécution de son mari. Rescapée des camps, elle reçut la visite du gardien qui avait sauvé le manuscrit.

L’essentiel de ces pages fut publié après la guerre, en 1947, sous forme d’un petit livre qui va connaître une immense notoriété. Il s’agit de l’ouvrage en langue tchèque le plus traduit de par le monde (88 langues pour 300 éditions) et le plus publié au 20e siècle ; rien qu’en Tchécoslovaquie, il y eut 38 éditions !

J’ai vu là quelques similitudes avec l’histoire d’Arthur London, un autre tchèque qui avait été accusé de trahison, emprisonné et torturé, et qui avait écrit aussi sur des toutes petites feuilles de papier à cigarette les conditions inhumaines de sa détention, (dans son cas, il s’agissait de la perversité stalinienne, et non de la perversité nazie) et que son épouse avait réussi à collecter, puis à publier

(voir « Les sources de l’Aveu » sur Babelio).



« Ecrit sous la potence » de Julius Fučík traite de la période de son arrestation et de sa détention, de la résistance et de la trahison, des bourreaux et des victimes, parfois avec ironie, toujours avec une immense humanité, un grand esprit d’observation, un courage lucide, plein de confiance dans la cause communiste. Il y raconte avec une grande acuité la nature des nazis : « Il arrive ainsi que le meurtre d'un homme n'est pas le plus grand mal que l'on puisse faire à celui-ci. Les nazis étaient des spécialistes, non seulement dans le meurtre et la torture physique, mais aussi dans la dégradation d'un homme, pour en arracher les fondements, dans l'extermination de son espoir, de son attachement à la vie et de sa faculté à raisonner. »

Il va dresser les portraits de ses geôliers, de ses bourreaux, de ses camarades de prison par l’écriture, comme Jean Moulin l’avait fait en dessinant la caricature de son tortionnaire, Klaus Barbie. Il va raconter la vie des prisonniers, leurs peurs, leurs luttes, comme lorsqu'il décrit la chose suivante :

« C'était l'antichambre d'une salle de torture, d'où on entendait les hurlements et les cris d'effroi des autres, sans savoir ce à quoi il fallait s'attendre pour soi-même. On voyait d'ici partir des gens en bonne santé, forts et courageux, et revenir de deux, trois heures d'interrogatoire cassés en deux et brisés. On voyait ici des gens partir avec un regard clair et ouvert, mais on ne pouvait plus les voir dans les yeux quand ils revenaient. »

Julius Fučík déclare que, prisonnier des nazis, il ne restait que l'essentiel, tout ce qui masquait le caractère d'une personne s'effaçait, et ainsi : « Le fidèle résiste, le traître trahit, le petit-bourgeois doute, le héros lutte ».



Julius Fučík fait figure de héros, de résistant héroïque.

Son reportage montre comment s’est incarnée la bataille antifasciste menée par les communistes, et comment

il n’y avait aucun doute quant à l’inévitable victoire.

En février 1948, le Parti Communiste Tchécoslovaque organisa un coup d’État et prit le contrôle du gouvernement (qu’il conservera jusqu’en 1989).



La position de Fučík au Parti communiste ainsi que ses convictions politiques ont fait de lui un symbole de propagande utile pour le gouvernement tchécoslovaque, faisant de lui un héros national, nommant des usines, des parcs, des rues et pratiquement tout le reste après lui.

Son livre est même devenu une lecture obligatoire pour tous les enfants de plus de 10 ans !



L’impact de l’exemple et du livre de Julius Fučík explique le déchaînement réactionnaire contre sa mémoire.

Son héritage a été remis en question après qu’il a été révélé que son livre avait été édité par sa femme qui avait omis plusieurs passages qui ne correspondaient pas au récit officiel !

Après 1989, avec la Révolution de Velours, en Tchécoslovaquie, la propagande réactionnaire a accusé Julius Fučík de nombreux maux : il aurait été un traître qui informait la Gestapo, il aurait été un lâche qui n’aurait pas obéi à une consigne de suicide au moment de l’arrestation, il ne serait pas mort car les nazis l’auraient protégé et emmené avec eux en Amérique latine après 1945, tout le récit n’aurait été qu’une invention de la propagande communiste (ce que notamment Václav Havel, devenu Président de la République a avancé) et le livre lui-même serait un faux, etc.



En leur temps, les Jeunesses Communistes avaient besoin d’un modèle. Julius Fučík donna l’inspiration aux jeunes générations, désireuses de faire leur place au sein du régime et sa fin héroïque reste un formidable outil de promotion pour le Parti. « Ecrit sous la potence » nourrit le mythe. Pendant longtemps, cet héroïsme communiste est resté ancré dans les esprits en Tchécoslovaquie et idéalisé. En 1955, Milan Kundera, lui-même, publiait une pièce de théâtre politique consistant à rendre hommage à Julius Fučík, « un héros de la résistance communiste contre l’occupation nazie en Tchécoslovaquie pendant la 2e Guerre Mondiale. »

Au début des années 1950, le culte de Fučík (car il était devenu l'objet d'un culte officiellement imposé) était hautement désagréable. Il y avait beaucoup de héros de la résistance antinazie comme lui, des gens qui, contrairement à lui, étaient prêts à mourir s'ils pouvaient emmener un ou deux ennemis avec eux. Mais, sans que

ce soit la faute de Fučík, les autres, pour la plupart non communistes, comme les pilotes de chasse tchécoslovaques à la bataille d'Angleterre ou les parachutistes tchèques et slovaques qui ont tué Heydrich (le vice-gouverneur du Reich en Bohême-Moravie), ont été étouffés et éliminés de l'histoire tchèque. Heureusement pas pour toujours ! Pourtant, les communistes traitaient Fučík non seulement comme une personne qui se démarque dans un groupe, mais comme le seul combattant antinazi digne de mention. Les principaux éléments du livre ont été cités à n’en plus finir non seulement par les officiers chargés de l'endoctrinement politique, mais aussi par les officiers chargés des activités culturelles.



Personnellement, je ne vois pas « un livre » à proprement parlé dans ces feuillets manuscrits rassemblés et publiés. Leur teneur qui est fondée sur une fidélité indéfectible à l’U.R.S.S., à Lénine, à Staline, me semble déjà après toutes ces années, appartenir à un autre âge.



De ce fait, je ne lui attribue que 3,5/5.

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