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Critiques de Karl Bartos (1)
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The Sound of the Machine

Membre de Kraftwerk de 1975 à 1990, Karl Bartos a fait partie de la formation qui a produit Radio-Activity, Trans Europe Express, Man Machine, Computer World, Electric Cafe et la pièce Tour de France.



Un grand nombre de compositeurs classiques et contemporains sont cités dans la 1re partie du livre où il raconte son passage au Conservatoire Robert Schumann de Düsseldorf : Bach, Schubert, Stravinsky, Debussy, John Cage, Steve Reich, Stockhausen, Varèse… et Gary Burton (qui vient plutôt du jazz). Alors qu’il étudie, il est régulièrement engagé par l’orchestre local comme percussionniste et/ou vibraphoniste pour interpréter une myriade d’œuvres du répertoire classique.



C’est son professeur qui le recommande à Kraftwerk qui se cherche un percussionniste. Bartos se joint donc au groupe, d’abord comme percussionniste pour les concerts, puis ensuite à titre de membre permanent. Il partage son temps entre le groupe et le conservatoire, mais à force de cotoyer Ralf Hütter et Florian Schneider — le noyau du groupe —, il finit par être séduit par leur approche non-conventionnelle : « Avant Kraftwerk, je m’étais toujours placé dans une tradition musicale existante […] c’était le cas avec la musique des années 60, la musique de divertissement, la musique classique et le jazz […] Ralf et Florian avaient réussi à créer un concept musical de leur cru en mélangeant ces points de référence. » [p 131]



Suite au succès de l’album Autobahn (sorti en 1974), le groupe entreprend une longue tournée en Amérique et, à son retour, Bartos constate qu’il préfère créer de la musique plutôt que d’interpréter celle des autres. Mais son appartenance à ce groupe lui procure aussi une notoriété problématique : « Être membre de Kraftwerk semblait m’avoir marginalisé avec mes autres amis. » [p 174] Ostracisé par la communauté du conservatoire, il cesse d’avoir des contrats de percussionniste pour l’orchestre.



L’album Radio-Activity était déjà passablement élaboré lorsqu’il joint le groupe aussi son apport à ce disque est minimal, ce qui n’est pas le cas pour l’album suivant : Trans Europe Express. « … Mon thème et le solo avaient fini sur The hall of Mirrors et la suggestion d’essayer des accords sur Trans Europe Express était incorporée dans le matériel. Et pourtant, je n’ai été crédité comme co-auteur d’aucune des chansons. » [ p 225] Après réflexion, Ralf et Florian décident de le créditer comme co-auteur pour le prochain disque : le fabuleux Man Machine.



Il faut dire que leur façon de travailler peu orthodoxe amène nécessairement un flou. Voici ce qu’il écrit au sujet de Florian : « Florian ne pouvait être classé comme compositeur au sens traditionnel. Il ne connaissait pas grand-chose aux accords, aux arrangements ou aux structures de chansons […] son talent se manifestait en sons ou en bruits. […] Je le vois comme un Jackson Pollock du son. Son approche consistant à ‘peindre des sons’ me renversait. Chaque fois qu’on allait en ligne droite dans une seule tonalité, Florian produisait un son inattendu, mais au bon moment. C’est lui qui, après tout, a marqué le plus durablement Kraftwerk au début, avec son énergie et sa détermination. » [p 226]



Le processus créatif du groupe et ses inspirations sont minutieusement décrits et c’est là un des aspects les plus intéressants du livre. On découvre des noms comme Werner von Braun, ingénieur des fusées V1 et V2 d’Hitler recyclé après la guerre à la NASA : « D’une certaine manière, nous étions apparentés à Werner von Braun ; la recherche scientifique allemande est liée à notre musique. Nous fabriquons des fusées sonores. » déclare Ralf au magasine Interview. [p 302] Pour présenter l’idée de l’homme machine, Bartos cite l’écrivain italien Filippo Tommasso Marinetti, fondateur du futurisme, un mouvement littéraire et artistique : « … Il préparait l’identification imminente de l’homme avec la machine. » [p 278] Et pour savoir comment améliorer sa nouvelle musique, le groupe l’écoute en roulant la nuit en Mercedes dans les rues de Düsseldorf : « Ces balades nocturnes sont devenues un incontournable de nos sessions studio lors de la production des deux albums suivants […] Nos balades sonores duraient quinze minutes, parfois une demi-heure. » [p240]



Ainsi immergé au sein de la formation qui est après inventer l’électro-pop, il délaisse peu à peu le conservatoire et finit par se désinscrire à l’hiver 1978 : « Je manquais d’espace mental et d’énergie pour pratiquer un programme musical conçu pour prouver ma virtuosité lors de concerts d’examen . Ça m’ennuyait à mourir. Composer de la musique est devenu plus important pour moi que d’interpréter celle des autres. » [p 297] C’est qu’avec Man Machine et l’album suivant — Computer World —, le groupe atteint son pic créatif. « Computer World a peut-être été notre tentative la plus réussie d’exprimer en musique la dialectique de la métaphore homme-machine. » [p 349] Et cette fraternité qui règne dans le studio s’entend dans la musique : « … Comme sur aucun autre disque, l’esprit de nos sessions d’écriture transparaît, et l’album représente notre période la plus productive. » [p 346]



Malheureusement, cette effervescence cesse lors de l’album suivant — Electric Cafe : « En entendant l’album final, je n’avais aucune illusion : nous n’avions pas réussi à créer une grande œuvre d’art. » [p 445] Plusieurs pages sont consacrées aux raisons de cet échec : « C’était plus un problème lié à nos techniques de composition qui évoluaient de plus en plus vers le montage, à cause de tous les échantillons numériques que nous faisions. Nous avions depuis longtemps cessé de faire de la musique ensemble. » [p 425] À l’époque, Ralf fait l’acquisition d’un Synclavier, une machine onéreuse permettant de faire de l’échantillonnage numérique. Mais au lieu de propulser le groupe à un niveau supérieur, comme ce fut le cas avec la plupart des acquisitions précédentes, ça le fait plutôt stagner : « Plus de capitaux étaient investis dans la soi-disant optimisation des moyens de production, moins de musique sortait à l’autre bout. » [p 461] Plus loin, il ajoute : «… Les gens prétendent souvent que la numérisation a finalement amené la technologie au niveau de développement nécessaire pour mettre nos idées musicales en pratique. En fait, c’était le contraire […] Les aides numériques rendaient notre musique rythmiquement parfaite – surhumaine pour ainsi dire – mais elle était aussi stérile […] les chansons perdaient leur aura, leur poésie… » [p 482]



À partir de là, les choses se dégradent : « La communauté du studio Kling Klang s’arrêtait, à mon avis, là où commençaient les intérêts financiers. Ralf et Florian portaient la culotte et j’ai dû tout quémander : des crédits d’écriture, une part des droits de licence, des avances. » [p 475] Ça mènera à son départ du groupe et à une longue bataille juridique lorsqu’il découvre qu’il n’est pas crédité comme auteur sur le CD suivant — The Mix — qui est pourtant une compile : « Les litiges juridiques se sont avérés longs, nombreux et épuisants. » [p 506]



Affranchi de son ancien groupe, il produit plusieurs musiciens et collabore avec une myriade d’autres dont Bernard Summer (New Order). En 1993, il sort un CD fort réussi sous le nom Elektric Music où il collabore avec Andy McCluskey (OMD), Emil Schult (ex-Kraftwerk) et Lothar Manteuffel (Rheingold). Il se met aussi à expérimenter avec la vidéo et en développe lui-même plusieurs pour ses propres compositions. Immergé dans une multitude de projets, il poursuit sa carrière tous azimuts : « Après avoir quitté Kraftwerk, j’ai eu la chance de travailler avec des musiciens fantastiques, mais mon souhait le plus cher de faire à nouveau partie d’un groupe ne s’est malheureusement jamais réalisé. » [p 600]



La fin du livre est truffée de réflexions sur la vie et la musique et il revient sur le procédé aliénant de composition alors qu’il était encore avec Kraftwerk : « Notre processus de création dans le ‘Kling Klang Futur Lab’ s’est rapidement limité à des opérations techniques et l’administration et le stockage des données. Nous avons interagi avec les machines numériques en tapant et en cliquant et notre communication verbale a été réduite à un échange d’informations sur les procédures techniques. […] Ce que nous avons perdu, c’est la pratique de faire de la musique, l’aspect organique, la libre pensée et l’association, l’utilisation spontanée de notre créativité pendant que nous improvisons, le sens de l’humour – toutes les qualités que nous apprécions auparavant les uns auprès des autres. En bref, les machines numériques ont remplacé les machines analogiques et ont changé notre façon de penser et de nous comporter. Dans cette technosphère stérile, toutes les conditions préalables à notre art créatif se sont éteintes, sans que nous en ayons conscience. » [p 610] Il clôt le dernier chapitre ainsi : « Selon ma compréhension, l’art n’est pas quelque chose qui peut être soumis à des algorithmes, mais un concept et son marketing le peuvent. Et ainsi, notre musique, autrefois le produit de notre esprit, de notre corps et de nos sens, est devenue un programme — figé dans les schémas techniques de sa reproduction. » [p 611]



© Alain Cliche, 2022.



NOTE : toutes les citations sont des traductions libres (ce livre est en anglais)
Lien : https://alaincliche.wordpres..
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