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Citation de Partemps


Maciej Niemiec ( 1953/2012 )

CRÉPUSCULE
1
Je regarde mais ne reflète pas
En retour. Les fenêtres de la cour tournent le dos, comme moi
Et la lumière baisse comme une fièvre.
Un oiseau dont une nouvelle fois je ne connais pas le nom
Trace au-dessus des toits un prompt signe d’oubli.
Je parviens déjà presque à le déchiffrer.
Rien n’a changé. Immortel crépuscule. Je suis le même.
Ont changé les pays, les villes, les amis, les maisons, les femmes.
Pas d’effort ce soir. Je suis assis dans la cuisine et regarde par la fenêtre.
Je suis parvenu à maturité. Je ne désire rien.
2
Cela hésite pour rien. Un paysage prédéfinitif. De cette fenêtre.
Sur la table un désordre de choses.
Un rien qui est harmonieux parce
Qu’il existe.
C’est moi qui dis rien. Lui ne dit rien.
Choses qui existent depuis longtemps, souvent
Plus longtemps que moi. Elles existent
Souvent. Elles sont utilisées. Sans quoi
Elles ne pourraient pas. Ce sont les choses qui sont définitives.
Pas nous ; ou plus que nous. Usées
Pour finir. À
Jeter. Sans
Mort, sans son
Baiser.
3
Caresses imaginées durant ces vingt dernières années,
dont nous prenons finalement le risque.
Que du coton et de la soie, rien d’artificiel. Interminables
allergies. Rien n’est plus d’aucun
secours, cela n’est plus d’aucun
secours, même précisément cela.
4
Et je suis tombé comme si c’était dans un film,
je suis tombé et en même temps j’étais assis à la table de montage,
c’était parfaitement réglé, cette chute, l’escalier
verglacé et le héros, moi, dans un vrai cul-de-sac, parti dans une glissade
et avec cette vision – par bonheur contrôlée – d’encore cinq
mètres d’escalier verglacé en contrebas, pourtant
toujours lucide, avec mon frère jumeau à cette table
où s’est révélé combien de choses nous séparent, et combien
cela dure depuis toujours, surtout la technique du montage, donc
tout de suite j’ai bu et j’ai freiné à mort, je ne suis pas
tombé mais je me suis jeté sur l’herbe
tout près de l’escalier (en ce temps-là on changeait
de saison), y épanchait ses fleurs ce qui s’avéra
(là-bas, nulle part) n’être qu’un arbuste de mimosa.
5
Parfois mes mains tremblaient, je ne pouvais même pas
boire un café, j’étais jeune et je n’osais pas toujours commander une vodka,
c’était trop intime parfois, la vodka et moi nous avions nos petites affaires, que
je ne voulais pas forcément exposer à tous ; je me souviens comment une fois
H. arriva dans la librairie, jeta sa casquette par terre et dit tu sais – ils m’ont coupé
la ligne, il est vrai que je ne paie pas depuis un an mais
après tout ils ne savent pas pourquoi. C’est exactement
ce que je veux dire : ne cherchez pas trop, n’allez pas trop loin.
Le crépuscule arrivera seul,
ou en compagnie de la nuit.
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