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« Il était torse nu et sa manière de bouger m’envoûta. Son corps n’était fait que de muscles durs et sculptés qui roulaient sous sa magnifique peau bronzée. Je m’avançai sur mon siège quand j’aperçus des cicatrices courir le long de son épaule et sur la moitié de son dos.
— Est-ce que ce sont des…
— Des brûlures ? compléta Lola avec désinvolture. Ça y ressemble mais personne n’en a la certitude.
Je lui jetai un coup d’œil. Je n’étais pas certaine d’être vraiment à l’aise avec elle. Sa camaraderie spontanée m’indisposait et m’enchantait à la fois. Aucun inconnu ne m’avait jamais abordée en se comportant comme un ami de longue date, et pour une fois, je n’étais pas celle qui cherchait désespérément à se rapprocher.
Je me reconcentrai sur Jack en me demandant si ses cicatrices n’expliquaient pas l’attention inhabituelle qu’il avait prêtée à ma propre brûlure. Lui avait-elle rappelé un épisode traumatisant ?
Il marcha jusqu’au centre de la piste et entreprit de faire tournoyer ses deux torches avec dextérité. La foule applaudit et je me raidis sur mon siège. Il enchaîna une série de huit pirouettes rapides qui dessinèrent des traînées incandescentes dans la lumière tamisée de la tente. J’étais à la fois fascinée et inquiète à l’idée qu’il puisse se blesser ou pire, échapper l’un des flambeaux.
On aurait dit qu’il dansait. Il fit courir une torche le long de son bras et le feu s’éleva sur sa peau avant de s’éteindre. Il lécha l’autre flamme et la mit entièrement dans sa bouche pour l’avaler. J’en restai coite. D’un geste sexy, il porta ensuite une bouteille jusqu’à ses lèvres, prit une gorgée et rapprocha la torche de sa bouche. Il souffla et d’énormes flammes bouillonnantes explosèrent en donnant l’impression qu’il crachait du feu. La scène était emprunte d’une beauté terrifiante.
Lola gloussa doucement et je me tournai vers elle. Elle me regardait, narquoise.
— T’es trop drôle.
Je fronçai les sourcils, incertaine. Devais-je me vexer ?
— Pardon ?
— On dirait que tu viens d’assister à un miracle.
— Je ne suis jamais venue au cirque, alors…
Elle écarquilla les yeux de surprise.
— Vraiment ? C’est dingue ! s’exclama-t-elle avant de plonger dans sa barbe à papa pour en attraper un gros morceau.
Elle la mangeait comme une gamine de trois ans dévorerait son gâteau d’anniversaire : la tête la première.
Des exclamations enchantées attirèrent à nouveau mon attention sur la scène. Jack faisait désormais tournoyer des roues de métal et des flammes s’échappaient de chacune des dents qui marquaient leur surface. Il ressemblait à un antique guerrier tribal accomplissant la danse de la victoire. Il était séduisant à pleurer. Des frissons me parcoururent, ma peau se mit à palpiter. Cet homme possédait une aura charnelle irréfutable et il m’enflammait sans même avoir à me toucher.
Choquant… Ou pas. Le sexe occupait mes pensées depuis mon adolescence et je possédais une imagination débridée. Je fantasmais à longueur de journée – sans doute parce que je n’avais toujours pas trouvé de partenaire qui me comblât véritablement. Je mourais d’une envie irrépressible de satisfaire la faim à la fois étrangère et familière qui m’habitait, d’expérimenter et d’explorer le champ des possibles au-delà du normal. J’avais eu ma dose de gnangnan avec Henry. Maintenant, je voulais plus. Tout simplement.
Marina revint sur scène pour annoncer que Jack avait besoin d’un volontaire pour la suite de son numéro. Évidemment, je brûlais de lever la main mais j’hésitais. S’il s’agissait d’une expérience embarrassante, la moitié de la ville assisterait à mon humiliation. Je frissonnai à l’idée que la nouvelle parvienne aux oreilles de ma mère. Je l’avais déjà assez défiée ce soir.
J’en étais donc là… à rêver de lui tenir tête – il ne me restait plus qu’à rassembler le courage pour le faire. Une étape après l’autre, songeai-je à l’instant même où Lola interpelait Marina :
— Hé, Marina ! Par ici ! J’ai une volontaire pour toi !
Elle s’empara de mon bras et l’agita en l’air.
— Pas question ! sifflai-je, horrifiée.
Elle se contenta de me faire un clin d’œil avant de me pousser hors de mon siège. Avant que je reprenne mes esprits, j’étais debout, prisonnière de la lumière du projecteur et du regard sombre et indéchiffrable de Jack. Je me figeai, incertaine, mais déjà Marina m’invitait à les rejoindre. Mes pieds s’activèrent contre mon gré, les traîtres. Manifestement, tenir tête à ma mère arrivait plus tôt que prévu. Cette notion était étrangement libératrice.
Jack me tendit la main et je déposai ma paume dans la sienne. Je lui avais machinalement donné celle qui était blessée et je laissai échapper un petit gémissement de douleur quand il l’étreignit.
— Désolé.
Il n’avait pas du tout l’air navré. »
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