Naître en pleine guerre sur un lit de fougères, dans une cabane de branchages du maquis des montagnes d'Épire, passer son enfance cachée et traquée avec sa famille par les occupants allemands, puis par les milices adverses durant la guerre civile, connaître la faim et la précarité, puis des exils successifs loin de sa Grèce natale, tel fut le destin de Laocratia Lakka, au prénom prédestiné car il signifie en grec « pouvoir du peuple ». Cette biologiste de haut niveau se consacra toute sa vie aux luttes militantes au sein de la gauche radicale, quoi qu'il pût lui en coûter dans la Grèce de l'après-guerre, où le pouvoir politique était généralement très hostile aux « rouges ».
Dans cette autobiographie, excellemment traduite, l'auteur se livre à une rétrospective passionnante, et retrace les combats et les luttes de sa jeunesse, d'abord au sein de sa famille, malgré l'absence d'un père forcé de s'exiler en Tchécoslovaquie au terme d'une guerre civile impitoyable destinée à maintenir la Grèce dans le camp occidental après la 2de guerre mondiale, et où les résistants communistes furent implacablement pourchassés et bannis, puis dans cet appartement minuscule d'Athènes où, avec sa mère et ses amis, dans des conditions précaires (le logement est surnommé « maison des crève-la-faim ») elle poursuit ses études tout en militant activement, comme en témoignent la production d'affiches, d'un journal, sa participation aux nombreuses manifestations, ou autres discussions passionnées . Mais en avril 1967 le coup d'état militaire de la junte des colonels la contraindra à son tour à l'exil, d'abord dans la Tchécoslovaquie de Dubcek, dont elle soutient le mouvement démocratique, puis après l'écrasement du Printemps de Prague par les chars russes en 1968, elle devra poursuivre sa carrière scientifique à Londres et à Paris. Seule la chute de la dictature en 1974 lui permettra de retrouver son pays natal.
Un témoignage précieux et irremplaçable sur ce que fut la vie des militants communistes grecs (qui pourtant déchanteront en découvrant la vie dans les pays du « paradis socialiste »), un livre qui fourmille de faits, de noms d'amis et de camarades, (comme par ex. le célèbre musicien Mikis Theodorakis ou le réalisateur du film Zorba, Mickael Cacoyannis, deux artistes dont elle sera très proche lors de ses années parisiennes), d'anecdotes surprenantes ou amusantes, et de rencontres avec des chercheurs de renom, anglais ou français, comme les prix Nobel André Lwoff et Jacques Monod, qui la prendront sous leur aile.
Une vie de passion et d'engagement aussi bien intellectuel et scientifique que politique, riche de tous les sacrifices et de tous les succès nés de la force d'une conviction peu commune.
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