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Citation de Charybde2


La grosse Gisèle porte des robes de coton beige et des chaussures de vieille femme. Ses longs cheveux sont retenus par un élastique très serré, ce qui fait que l’on peut suivre, si l’on veut, le sillon de ses racines jusqu’au pli du caoutchouc. Son front immense, constamment en sueur, hiver comme été, réfracte la lumière, attire tous les regards. C’est ce front immense qui m’interroge : que s’y passe-t-il ? Car Gisèle parle peu. En réalité Gisèle ne parle pas, elle attend quelque chose : l’école, le goûter ? La fin du jour et le commencement de la nuit ? Elle a sa façon bien à elle d’attendre. Elle fixe les choses, les deux mains plaquées sur ses joues, la bouche ouverte, écrasée comme avant le cri. Elle regarde un arbre, un oiseau, une maîtresse, la lumière… et l’arbre s’ébroue, l’oiseau se jette dans le vide, la maîtresse crie et la lumière tremble. C’est une chose singulière de comprendre qu’une petite fille de dix ans vous vole un arbre dans la cour, votre temps, votre vie peut-être. Il arrive aussi que Gisèle vous regarde et cette reine placide absorbe alors en elle les désirs les plus inavouables, les plus refoulés, les plus enfouis. Son regard vide et profond essore votre vie avant même que vous ayez eu l’idée de baisser les yeux, il vous tord votre enfance, exprime tous les bruits intimes de votre corps. Ces voix dans votre tête. Et puis aussi le bruit du sang qui bat dans les doigts, dans la gorge, la poitrine et le sexe.
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