peuple en lutte contre la construction d’une voie
navigable sur le fleuve
qui leur volera leur fleuve
qui est leur eau à boire, leur bain et leur baignade
leur pêche
voie navigable qui amènera travailleurs et matériaux
de construction :
mines, mineurs –
on abattra des millions d’arbres pour en dessous
creuser des gouffres
en extraire la bauxite
et l’électricité des barrages, qu’on dira verte, propre
ira aux fonderies d’aluminium :
l’aluminium, matière légère et cassante, conductrice
d’électricité
pour les fusées, pour les avions
pour les éternelles fenêtres des petites maisons
barrage sur la cascade des Sept Chutes
lieu sacré des Mundurukus, des Kayabis, des Apiakás –
là que vit la mère de tous les poissons, la seule,
l’unique, la généreuse –
tous les poissons
des plus petits aux plus grands
le pacu, le pirarara, la matrinchã, le pintado et même
le piraíba, long de deux mètres,
y viennent tous les ans
visiter leur mère
et s’y reproduire
ici, dans ces cascades, dans les collines sacrées
vivent leurs ancêtres
une grappe d’enfants
du haut d’un arbre se jette dans le Tapajós
criant et riant
se réjouissant les uns les autres de sentir
à leurs oreilles
tous en même temps
le vent de leur plongeon
voies navigables qui par bateaux porteurs
descendront les bois abattus et sortis de la
forêt
et qui, à la fin, les sortiront d’eux-mêmes, Indiens
de leur propre territoire, vie, corps, esprit
par malheur quelques-uns de leurs chefs ont signé un
contrat éblouissant avec
Celestial
Green
Ventures
sur 2 millions d’hectares
aucun droit de planter ni brûler ni exploiter selon les
traditions
car
pour les marchés de compensation carbone, de
droits à polluer
violemment il faut conserver
le rêve d’une forêt vierge
qui ne l’est pas –
prudes, puritains armés d’avocats et de fusils –
et ce rêve sera conservé sur pied
pendant 30 ans
120 millions de dollars, versés aux Indiens
en 30 fois
de 2012 à 2041
une misère
au regard d’un commerce de droits à polluer
colossal
et le contrat comprend la vente de « tous les droits de
certificats ou de priorité à venir sur la
biodiversité de la zone »
main basse
sur toutes les plantes médicinales, sur les gènes ingénieux
et on brevètera tout ça
propriété privée
et on en tirera des rentes sur 20 ans selon le droit des
brevets
une exclusivité de 20 ans pour les voleurs de ce qui
n’appartient à personne
depuis 2001 le peuple Munduruku attend
que les autorités délimitent leur territoire
le territoire de leurs ancêtres – et les droits du peuple –
ce qu’il en reste, ce qui sera conquis dans la lutte –
sont et seront attachés à ce territoire, à ces limites
le cacique Juarez Saw Munduruku :
« nous en avons assez d’attendre »
70 hommes, femmes, enfants
parcourent la forêt
avec des machettes et un GPS –
le global positioning system, une constellation de
24 satellites –
et ils plantent les pieux
exactement là
où
il faut
la lutte entraîne la répression
qui entraîne la lutte
qui entraîne la répression
qui entraîne l’auto-organisation
qui entraîne la sympathie et la compréhension
qui entraîne la répression
qui entraîne le soutien et la solidarité
la tortue est l’animal rusé, stratège, déterminé
elle vient à bout
du tapir, du jaguar, de l’anaconda
les guerriers Mundurukus
se peignent
sur le corps
des écailles de tortue