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Citation de VincentGloeckler


Je ne me rappelle pas ce que j'ai vu en premier.
Peut-être la station YPF à l'entrée de la ville, ou l'avenue Perito Moreno avec son terre-plein central, ou le cimetière, où l'énorme entrepôt en tôle qui indiquait Transport Las Heras. Je sais seulement que je n'ai pas vu - ni alors ni jamais - le graffiti dont quelqu'un m'avait parlé : "Las Heras, ville fantôme".
- Tu verras, à peine arrivé, c'est le premier truc que l'on remarque.
Pas besoin. la ville parlait d'elle-même. Il n'y avait ni gens, ni jardins, ni fenêtres ouvertes, ni panneaux indiquant le nom des rues. Les arbres semblaient être des survivants à un mal quelqconque. J'ai su ensuite qu'il n'y avait ni cinéma, ni internet, ni kiosque à journaux, et que de temps en temps le vent coupait les lignes de téléphone, fournies par une coopérative municipale car ni le bras long de Telefonica ni les ambitions françaises de Télécom n'étaient parvenus jusque-là.
C'était une journée ensoleillée et ça aidait, mais quand je suis descendue du bus, le vent m'a poussée, j'ai titubé et senti le sable crisser sous mes dents.
J'ai soulevé mon sac à dos et j'ai marché jusqu'à l'hötel.
La réception était calme, comme en pleine sieste, mais il était midi. J'ai posé mon sac à dos sur le sol et j'ai attendu. Il y avait du monde au bar - un endroit agréable, avec des tables en bois et des fenêtres aux rideaux transparents qui laissaient passer la lumière; l'un des rares, je le saurais par la suite, où il n'y a ni musique assourdissante ni filles s'offrant pour cinquante pesos - et la nouvelle était déjà sur toutes les lèvres : le barrage s'était abattu sur la route, comme un tsunami. On ne pouvait plus rentrer à Comodoro.
Un garçon avec des phalanges tatouées de croix a surgi derrière le comptoir. Il m'a souhaité la bienvenue, m'a donné les clefs, la télécommande de la télévision, et m'a demandé si j'étais déjà au courant.
- De quoi ?
- Que dans cette ville il se passe de drôles de choses. Toutça, c'est la faute des Indiens enterrés qui rôdent dans le coin. Il y a beaucoup d'Indiens enterrés ici.
je suis montée dans ma chambre. J'ai fermé la porte. J'ai allumé la télé. il n'y avait rien. Juste de l'électricité statique, un nuage gris. Le vent arrachait les fenêtres et les dents, jusqu'aux molaires.
Qu'est-ce que je suis venue faire ici. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Ni ce que je cherchais.
(pp.18-19)
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