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Citation de Charybde2


Mais la nuit, c’est plus sérieux. Dans la rue : son propre pas, si net parmi d’autres, qui de temps en temps le suivent, le croisent. Il était peut-être accompagné, puis on le retrouve, seul ; comme incertain d’abord, et presque entravé. Pas moyen de tricher avec sa peur si, à un tournant, il hésite, ni avec sa solitude, s’il traîne, comme à regret, quand on voudrait fuir. Mais parfois, il marque, vif, la joie de se retrouver soi-même : on en joue, en courant, comme on jouerait d’un tambour. Plus léger sur les ponts : l’air l’emporte et le dissout. Il s’arrête avec le tintement des clés dans le désert pierreux.
Mais dès qu’on est couché, ce sont les autres : de bonne heure, ils passent par bandes, ils rient, chantent. Ce n’est pas grave encore. On peut s’en distraire. Mais on ne se distrait pas de la conversation qui se poursuit entre deux hommes accoudés au parapet du pont, et dont les paroles vous parviennent ; et encore moins, plus tard, de l’homme seul. La respiration râlante de l’ivrogne, entrecoupée de gémissements, ou sa voix qui, résonnant contre les pierres, clame la malédiction ou promet le salut du monde ; les pas martelés de l’homme pressé, et le traînement de celui qui hésite à rentrer seul ; le mot échangé devant la porte, quelqu’un qui s’arrête le dos au mur, regarde peut-être, ou réfléchit : un raclement léger de temps en temps, ou un piétinement sur place… non, ces solitaires, on ne sait pas les quitter.
Il arrive parfois, passant dans les rues désertes d’autres villes, d’entendre les bruits nocturnes venant de l’intérieur des maisons ; jamais à Venise : chacun est seul sur cette scène qu’est la rue, les autres, derrière le mur, demeurant des spectateurs séparés.
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