À TRAVERS LE LAC DE GARANCE
Ceux qui s'en vont, presque transparents, légers,
— tu devines leurs restes tuméfiés
à travers le lac de garance des bandages —,
ceux qui s'en vont, c'est une chose bien connue, passent
parmi les rameaux d'oliviers, comme à travers un voile
qui ondule dans l'air. Ils lèvent les barrières
avec leurs poitrines
et passent.
Leur iris ressemble à une porte claquée,
à un verrou qui tombe, à une geôle.
Ils veulent dire quelque chose avec leurs lèvres terreuses
avant que la lave de leurs joues ne s'écoule, bleuie,
jusqu'à la dernière goutte.
C'est ainsi que passent ceux qui s'en vont,
à travers les jardins d'or de la nuit,
comme quelques parents qui n'ont plus le temps de regarder,
au moins une fois, en arrière.