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Citation de Jo


Jo
29 janvier 2018
«Assis-toi sur mes genoux, et imagine que t’es sur une mobylette et qu’il y a des bosses ».
Je regarde le mec qui s’adresse à moi, il a un grand sourire, est plutôt fier de lui, et son pote rigole. Il sort un billet de 10 euros de sa poche, me regarde, le lèche et me dit : « je t’invite à dîner s’tu veux, viens ma belle, et après tu me remercieras comme il se doit ».
À 18h, le métro est blindé, tout le monde entend, personne ne dit rien. Naturellement. Mon problème, si je me fais emmerder par un gros con vulgaire. Manifestement ça ne regarde personne d’autre.

23h et des poussières, après un petit resto entre amis sur Paname, il est temps de réintégrer la banlieue. À Barbès, je termine ma clope devant le métro. Un gars s’approche, me demande si je veux de la drogue. Je n’en veux pas. Un autre s’approche, me demande ce que je fais là, ce que je cherche. « Je ne cherche rien, je termine juste ma clope avant de prendre le métro. » Il s’excite : « Mais qu’est-ce que tu fais toi aussi, à rester là ! T’es pas chez oit, ici. Tu veux te faire violer, c’est ça ? Tu veux te faire violer ? T’as rien à faire ici, vas-y, bouge, bouge. » Un autre mec s’approche, mon interlocuteur lui dit de me laisser tranquille. L’espace d’une seconde, j’ai voulu terminer la clope, réflexe rebelle, mais je l’ai finalement vite écrasée pour pousser les tourniquets.

15h, RER, je suis avec Gabriel. On va aller fêter mes 18 ans. Un jeune homme s’approche de nous et s’adresse à mon mec : " Hé, tu veux pas me louer ta meuf ? 20€ la soirée. Elle suce ? Sodomie ? On est avec des potes ce soir. On va la faire tourner, tranquille." 11h du mat, à Châtelet. Un jeune homme me lance : « Excusez-moi, vous êtes assise sur mon pénis. Vous le sentez ? »

Abribus, 11h, un trentenaire me parle. Je lui réponds poliment. Le bus arrive, je le salue et monte. Les portes se ferment. Soudain, l’homme tape à la porte. Le chauffeur lui ouvre et le gars me crie : « Hé, je pourrais avoir ton numéro ? » Je dis non, il insiste. Tout le monde me regarde. Je redis non, il réinsiste. J’ai l’impression que la scène dure une éternité. Il finit par lâcher l’affaire, le bus part. Je cherche quelques regards complices autour de moi. Je ne trouve que des paires d’yeux sévères, en mouvement, depuis mes talons jusqu’à mon visage en passant par ma robe. Suis-je parano où puis-je réellement lire sur leurs lèvres fermées : « La prochaine fois, salope, essaye de pas nous retarder » ?

20h, un hiver, j’ai 15 ans, j’attends mon grand frère devant l’épicerie, enroulée dans ma grosse doudoune. Un groupe de mecs passe. Un me lâche « sale pute », sans se retourner.

22h, je rentre chez moi. Une voiture s’arrête à mes côtés. « Vous allez où Mademoiselle ? » « Je rentre chez moi ». « Vous ne voulez pas boire un verre avec nous ? » « Non, je suis fatiguée, je vais rentrer chez moi, on m’attend. » « Même pas un petit verre ? » « Non, même pas. » « Vous permettez qu’on vous raccompagne ? » « C’est gentil mais je suis quasiment arrivée, là. » « Ah, vous habitez où ? » « Pas loin. » « Ça te fait pas peur de marcher seule comme ça, la nuit ? Moi à ta place, j’aurais peur, y’a de quoi avoir peur, vraiment… »

Il est possible d’écrire des pages et des pages sur ce même modèle.

Je me demande seulement à quel point nous avons intériorisé cette peur. S’arranger pour ne pas rentrer seules trop souvent, ne pas s’habiller trop court si nous devons prendre les transports, fuir les regards, éviter la solitude, avoir peur…
Je me demande à quel âge je n’ai plus été étonnée lorsque des passants m’ont dit « Bien charmant tout ça », « mmmmh », « sexy », « vraiment très jolie, rien à dire » (- alors ferme ta gueule) « T’as une démarche de miss », parfois en attendant une réponse, parfois sans même s’arrêter.
Je me demande à quel point nous sommes touchées.
Je me demande à partir de quelle limite on peut envoyer son poing dans la gueule. Je me demande surtout si les risques encourus en valent la peine.
Je me demande comment on peut raconter l’histoire d’un être qui se fendille.

« Mais la vraie question, Mademoiselle, me disait un homme dans le train alors que j’avais 19 ans, c’est de savoir qui vous a déviergée. C’est la personne avec qui vous êtes en ce moment ? Hein ? Dites-moi, c’est votre copain actuel ? Ou vous êtes encore vierge ? Hein ? Alors ? »

Je suis heureuse d’enfin connaitre la vraie question.
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