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Citation de wentworth23


Texas, dimanche 8 avril 1962

Adrien repoussa le drap tout doucement. Maureen dormait encore a poings fermes, et comme le medecin avait dit qu'elle devait prendre le plus de repos possible, Adrien ne voulait surtout pas la deranger. Elle grogna dans son sommeil, se tourna sur le cote sans ouvrir les yeux, et Adrien en profita pour quitter la chambre sans faire de bruit.
Le dimanche etait la seule journee de la semaine ou il ne travaillait pas. Ce matin, il pouvait donc prendre tout son temps. Adrien se dirigea vers la cuisine et referma la porte sur lui. Sans hesiter, il ouvrit une armoire sous le comptoir, sortit le percolateur et le remplit d'eau avant d'ajouter une bonne mesure de cafe moulu dans le panier, puis, il deposa le tout sur le rond du poele electrique qu'il avait offert a sa femme en guise de cadeau quand ils avaient enfin emmenage dans leur nouvelle maison. Certes, ils habitaient toujours sur le domaine des Prescott, a quel - ques pas en fait de la demeure principale, mais au moins ils etaient chez eux, tout comme Brandon et Mark, les freres de Maureen.
Il esquissa un sourire quand la bonne odeur du cafe prit possession de la piece. Il n'y avait que chez sa mere qu'il acceptait de boire du cafe instantane. Et c'etait bien pour faire plaisir a Bernadette qui etait si fiere de lui en offrir, voyant cela comme une preuve indiscutable de leur reussite financiere. Mais pour lui, un vrai cafe, gouteux, reconfortant, c'etait comme celui qu'il avait bu en France au moment de la Liberation et il en allait de meme pour Maureen...
Apres avoir verse un nuage de lait dans sa tasse, Adrien regagna l'arriere de la maison ou une longue galerie couverte, parsemee de chaises bercantes en bois et en osier, invitait a la detente. Il se laissa tomber sur le premier siege venu.
D'ici, la vue etait moins spectaculaire que celle que l'on avait de la maison de ses beaux-parents, juchee plus haut sur la butte qui dominait les terres familiales, mais peu lui importait. Quand Adrien prenait le temps de s'asseoir sur la galerie, c'etait dorenavant chez lui qu'il le faisait, et cela avait autant d'importance a ses yeux que le paysage qu'il pouvait contempler. Le petit boise d'arbres centenaires, chenes et pacaniers, et le lopin de terre en friche, herisse de cactus, juste a cote, avaient tout de meme un certain charme malgre l'horizon un peu limite. S'il voulait de grands espaces, Adrien n'avait qu'a seller son cheval et partir au bout des champs de son beau-pere. La, la vue n'avait aucune limite. Le ciel se confondait avec les terres rougeatres dans la brume de chaleur qui ondulait a partir du sol.
Adrien degusta une longue gorgee de cafe, les yeux mi-clos, se permettant une pensee pour Bernadette. Depuis son dernier voyage au Canada, il y avait maintenant plus d'un an, c'etait le dimanche matin qu'il pensait a elle. Le temps d'un soupir, de quelques souvenirs, d'un instant de nostalgie. Puis, tout comme Bernadette le faisait probablement de son cote, il finissait toujours par rouvrir les yeux sur sa realite a lui. Un quotidien qu'il avait deliberement choisi et qu'il aimait. A ce moment de sa reflexion, il se disait toujours qu'il avait plus de chance que Bernadette, car lui, finalement, meme s'il savait qu'une partie de son coeur resterait toujours a Montreal, il avait choisi sa vie en epousant celle qui dormait a ses cotes. Il s'etait prononce en toute connaissance de cause, alors que Bernadette, elle, subissait son existence. Elle la subissait depuis toujours, peut-etre, avant meme de comprendre qu'elle s'etait trompee en mariant Marcel. Heureusement, comme elle le disait elle-meme, il y avait Evangeline et les enfants.
- Les enfants sont l'essentiel de ma vie, disait-elle regulierement quand ils avaient l'occasion de parler en tete-a-tete. Ils devraient etre l'essentiel de la vie de tous les parents qui ont un peu de coeur.
...
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