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Citation de Charybde2


Dans sa tête loge une armée. Il n’y paraît pas, cependant. Elle est allongée dans des draps d’un blanc frais, quarante ans et des poussières, ses cheveux châtain clair en bataille sur sa tempe, plongée dans le profond sommeil des rêves. Chaque nuit, la même lutte ; chaque matin, le même oubli. Dans son rêve, un soleil éclatant, pavés d’après la pluie, lavés, luisants. Elle est seule sur la grande avenue, aucun trafic, seulement l’Arc, en haut, et la Concorde, en bas. On est, dans un rêve, partout, et tout est « soi ».
Le sol tremble vaguement et les pavés se disjoignent, mais c’est ailleurs et elle ne peut pas savoir. Qui serait avec elle dans la chambre où elle repose verrait son visage s’assombrir. Il n’y a personne. Seulement les pavés qui se disjoignent et laissent deviner quelque chose de noir et de granuleux, du goudron, de la terre peut-être. Elle s’est agenouillée, elle regarde le sol de très près, un long moment, absorbée, faisant abstraction de tout le reste, un peu plus et elle collerait l’oreille contre les pavés pour savoir d’où vient le galop, quelque chose a tremblé, s’est ébranlé, elle a ressenti la secousse, l’image du rêve pourrait se briser comme une vitre, laisser s’engouffrer un grand souffle vide, mais au lieu de cela, lorsqu’elle relève la tête, ce qu’elle aperçoit, à l’horizon, ce sont des hommes. Principalement des hommes, mais aussi des femmes et quelques enfants.
Ils ont surgi des profondeurs de la terre, des tunnels et des souterrains, de tous les lieux de misère et d’ombre où ils avaient trouvé refuge. Ils émergent comme des travailleurs ressortent d’une mine, épuisés, meurtris, après un coup de grisou, ils ont le même visage noir de suie, mais nulle fatigue, nulle blessure. Le coup de grisou, le tremblement, c’est eux. En nombre venus des profondeurs de la terre, c’est là sa terreur, son désir. Ils n’ont pas avec eux de banderoles, aucun mot d’ordre, plus personne dans ce pays ne demande rien, ne refuse rien depuis longtemps.
C’est elle qui donne l’alarme.
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